Nous continuons notre panorama sur l'avenir de notre système de santé en termes de protection sociale. Deuxième temps aujourd'hui : l'hospitalisation.
Quelle a été la ligne de conduite suivie en matière d'hospitalisation et vers quoi pouvons-nous escompter aller ? Comme pour les soins ambulatoires, pouvons-nous nous attendre à un immobilisme comme nous l'avons montré dans le premier volet de cette tribune ? Étudions donc le passé pour mieux comprendre l'avenir.
Du budget global au PMSI
La réforme du financement de l'hôpital a été engagée dès 1983, lorsque les dépenses hospitalières représentaient 60 % du total des dépenses de santé. C'était jugé trop élevé. C'est ainsi que naquît le budget global à l'hôpital promulgué par les décrets du 18 janvier 1983 et du 3 janvier 1984. Il réforme le système du prix de journée, jugé trop inflationniste. Et pour cause. Puisqu'il suffisait à l'hôpital de conserver les patients pour recevoir un financement. Plus l'hôpital réalisait des journées d'hospitalisation, plus son budget était élevé.
Ce nouveau mode de financement a bien rempli sa mission puisqu'aujourd'hui les dépenses hospitalières ne représentent plus que 46 % des dépenses totales. Ce qui ne veut pas dire que l'ensemble des dépenses a diminué pour autant. Au contraire, il y a eut un effet de basculement : les dépenses hospitalières se sont reportées sur l'ambulatoire avec un envol des dépenses de transport. L'hôpital a reporté vers la ville les examens qui pouvaient l'être, quitte à envoyer le patient en ambulance pour cela.
Le 11 août 1983 est promulgué un décret instaurant le Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Il s'inspire directement des DRG (Diagnosis Related Groups) ou groupes homogènes de malades américains, créés en 1977-78 par Robert Fetter en vue du financement des hôpitaux dans le cadre des assurances privées. En même temps que l'on réforme en France le financement par le budget global, on commence à mettre en place une autre réforme, comme si la première était simplement inutile ou inadaptée à son objet.
Le PMSI précise d'emblée que « les dotations doivent être calculées en fonction de l'activité ». Même si au départ, on dit aux médecins : « on va juste observer votre activité, pour avoir une idée de ce que vous produisez », personne n'est dupe : tout le monde a bien compris d'emblée qu'il s'agit d'une vraie réforme du financement. Lequel dépendra à l'avenir (plus ou moins lointain) de l'activité de l'établissement. Le corps médical va donc être très opposé à un tel dispositif et fera une résistance plutôt passive dans l'ensemble.
Du PMSI à la tarification à l'activité
La réforme du financement n'aboutira réellement qu'en 2004 avec l'instauration de la tarification à l'activité (T2A). 20 ans après ! Alors même que les coûts associés à chaque activité de l'hôpital sont connus dès 1986-1987. La réforme aurait pu être appliquée dès cette date. La tarification à l'activité prend le relais du PMSI : elle utilise ce dernier pour financer le budget hospitalier en fonction des patients pris en charge. L'application, après 20 ans de gestation, est très rapide. En 5 ans, on passe de rien à tout : 100 % des activités de l'hôpital sont financées par la T2A.
Paradoxe : comment financer 100 % de l'activité alors que le PMSI ne décrit au mieux que 30 % de l'activité ? Il y a, certes, des dotations spécifiques au travers d'enveloppes dites MIGAC (missions d'intérêt général comme l'enseignement, l'innovation, etc.) ou encore des enveloppes pour le financement des urgences, les médicaments coûteux… Cela reste insuffisant pour couvrir toutes les activités de l'hôpital qui sont hors champ de la T2A. Ce qui revient à dire que les actes non prévus par la T2A, du jour au lendemain, ne trouve plus de financement. Les consultations de précarité disparaissent tout naturellement. Il n'y a plus de budget pour cela. Et la liste pourrait être longue.
La conséquence automatique est une diminution, parfois importante, du budget de l'hôpital. Des activités, voire même des services disparaissent, faute de financement adapté. Le seul moyen d'avoir un financement suffisant, qui permettrait de dégager des marges pour financer éventuellement des activités hors budget, c'est la spécialisation dans certains actes ou types de prises en charge. Une technique bien maîtrisée, réalisées en grande quantité, permet, en théorie, de ne pas utiliser tout le budget reçu pour cela. Les conséquences pour les patients sont évidentes : où et comment trouver l'établissement qui réalise la prise en charge adaptée à ses besoins ? Sans compter que si ses besoins ne sont pas standards, il est fort possible qu'il n'y aura aucun financement pour sa prise en charge !