Question politiquement incorrecte : les taxes levées sur les tabacs financent-elles l'assurance maladie ? Une réponse sans nuances… et sans concessions. Les années passent et le déficit de l'assurance maladie ne cesse de croître. Les fumeurs le savent : ils sont de plus en plus sanctionnés face à leur addiction en payant des taxes de plus en plus élevées sur le paquet de cigarettes. Objectif affiché : limiter le déficit de l'assurance maladie, tout comme les taxes perçues sur les alcools sont censés le faire. Qu'en est-il ?
Le déficit de l'assurance maladie : un yo-yo
Il joue souvent avec nos nerfs en faisant chaque année le yo-yo. De 4,4 milliards d'euros en 2008, en passant par 11,6 milliards en 2010, pour atteindre enfin 7,9 milliards en 2013, c'est un cabotin qui s'amuse en se jouant de nous. Le politique l'annonce chaque année sans vergogne et c'est l'occasion de culpabiliser les consommateurs de soins : patients vous dépensez trop, vous abusez (« la sécu, c'est bien, en abuser ça craint »!)… Et professionnels, vous prescrivez trop et trop mal. Rien de bien nouveau finalement d'une année sur l'autre. Les solutions : dé rembourser ou augmenter les prélèvements, y compris les taxes sur les tabacs et alcools.
Des taxes sur les tabacs qui rapportent… mais à qui ? Les droits levés sur les tabacs représentent des sommes importantes représentées dans le tableau ci-joint. Pour simplifier, nous ne reproduisons pas les chiffres pour les alcools, qui rapportent un peu moins.
Le constat est sans appel : le montant des sommes effectivement levées et reversées à la sécurité sociale fluctue d'une année à l'autre. Qu'on se le dise, la situation s'améliore : on passe d'un taux de reversement de 59 % à 88,6 % en 4 ans. En 1993 et 1994, ce taux était même tombé à … 0 %. Quant aux taxes sur les alcools, le taux de reversement aux divers organismes de sécurité sociale est proche de 0 %. Ce sont donc chaque année des milliards d'euros qui sont prélevés et non reversés à l'assurance maladie. Et cela en toute légalité. Il s'agit bien d'un impôt. La règle en la matière, est qu'il n'y a pas de pré affectation de l'impôt. Pire, maintenant que les cotisations sociales ne sont plus des prélèvements sociaux, mais une CSG (contribution sociale généralisée), c'est-à-dire un impôt, il n'y a aucune obligation à ce que la totalité de la CSG santé soit effectivement reversée à la branche santé. Ce sont encore quelques milliards d'euros chaque année qui ne sont pas affectés au financement de la santé. Dans ces conditions, il serait miraculeux que la branche santé ne soit pas déficitaire. Il s'agit d'un déficit artificiellement construit par le politique.
En 2010, les droits sur les tabacs perçus sont allés à hauteur de 2,92 % au budget de l’État, de 13,80 % à l’apurement des dettes de l’État. Et si le déficit de la santé n'existe pas, par contre, le déficit public existe bien et on cherche à le combler en jouant sur la corde la plus sensible pour les Français : leur santé. Ils y sont très attachés et les culpabiliser pour leur consommation médicale permet de légitimer des actions qui ne visent qu'à taxer plus lourdement les consommateurs de santé, mais aussi de tabac et d'alcool. Loin de nous l'idée d'une banalisation de l'alcoolisme et du tabagisme (nous ne somme pas même fumeur), mais il faut arrêter de chercher des boucs émissaires tout trouvés plutôt que de solutionner durablement la question du déficit de la dette publique. Solution qui passe nécessairement par une politique différente, comme agir sur les politiques de l'emploi par exemple. Mais c'est déjà un autre débat.