Une mission parlementaire a rendu un rapport le 4 avril dernier exonérant partiellement le glyphosate, tant décrié. Une conclusion qui va dans le sens de Nicolas Hulot ayant affirmé en janvier que des « exceptions » pourraient être envisagées à l’interdiction du produit à 3 ans.
Le débat n’est décidément pas clos. En novembre dernier, alors que l’Union européenne venait de renouveler la licence du glyphosate pour cinq ans, Emmanuel Macron avait promis que la France abandonnerait définitivement l’herbicide « au plus tard dans trois ans ». Si la décision était loin de faire l’unanimité au sein du gouvernement, on ne s’attendait pas à ce qu’elle soit remise en question aussi rapidement, encore moins par le ministre de la Transition écologique en personne.
« On est en train de recenser les alternatives qui existent et de leur donner les moyens de faire leurs preuves. Mais je ne suis pas buté et personne ne doit être enfermé dans une impasse : si dans un secteur particulier ou une zone géographique, certains agriculteurs ne sont pas prêts en trois ans, on envisagera des exceptions », a déclaré M. Hulot au Journal du dimancheen février.
Rendu le 4 avril, un rapport de la mission parlementaire sur les pesticides propose également de limiter l’interdiction du glyphosate. C’est-à-dire, d’élargir les possibilités du recours à ce produit. Les parlementaires estiment en effet que la France doit pour l’instant se priver uniquement de la fonction dessiccative de la molécule, soit l’usage qui en est fait pour déshydrater les plantes et faciliter leur récolte. La mission parlementaire insiste en même temps sur la nécessité « d’accélérer les travaux de R&D pour trouver des alternatives crédibles » à l’herbicide. L’acide pélargonique proposé comme alternative a été aussitôt décrié par des écologistes. Les données écotoxicologiques, même si elles sont fragmentaires, indiquent une dangerosité vis à vis des écosystèmes aquatiques plus importante que celle du glyphosate d’après EELV.
Science en péril ?
Le rapport des parlementaires français intervient quelques mois après la mise en place, au sein du Parlement européen, d’une commission spéciale chargée d’« analyser et évaluer la procédure d’autorisation des pesticides dans l’Union européenne, y compris la méthodologie utilisée et sa qualité scientifique, son indépendance par rapport à l’industrie, la transparence du processus décisionnel et ses résultats ».
L’engouement suscité par la lutte contre les fake newsa entrainé son corolaire : la défiance à l’encontre de la science. C’est l’avis d’un collectif de professionnels de la santé qui dénonce, dans un blog commun « les pseudo-médecines sur internet, tentant de discréditer notre discipline pour mieux vendre la leur ». Une mise en garde d’experts qui fait échos au débat sur le glyphosate puisqu’ils redoutent l’effet pervers de remettre en question non pas les « pseudos-médecines » mais toutes les médecines, études, travaux.
Si le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) a classé la substance comme « cancérogène probable » pour l’homme en 2015, toutes les agences européennes ont de leur côté conclu à l’innocuité de la molécule.
L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont été vivement critiquées par les associations écologiques, qui les accusent d’avoir rendu des avis favorables au glyphosate sous la pression ou en connivence avec l’industrie.
La réputation des agences européennes devrait être peu menacée puisque toutes les autres agences ayant effectués les tests étaient arrivées à des conclusions similaires. C’est notamment le cas, aux États-Unis, de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) et l’Institut national pour la sécurité et la santé au travail (NIOSH). L’Institut fédéral allemand pour l’évaluation des risques (BfR) ou encore la JMPR, un organe conjoint des agences des Nations unies FAO et OMS, partagent également l’avis des agences européennes.
Rétropédalage : après la France, les Etats-Unis ?
Un juge californien vient pour sa part d’affirmer que le classement du CIRC ne suffit pas à établir un lien de cause à effet entre l’exposition à l’herbicide et l’apparition de lymphomes non hodgkiniens, contrairement à ce qu’affirment des personnes qui accusent Monsanto de les avoir rendus victimes du cancer. Selon le juge, la conclusion du CIRC indique que le produit est « capable de causer le cancer », non qu’il le cause effectivement. De nombreux facteurs doivent être pris en compte, en particulier le niveau d’exposition à la substance et l’usage qui en est fait.
La précision est importante car le CIRC avait retenu la dangerosité de certains produits alors que le facteur clé n’était pas la substance seule mais sa mise en relation avec d’autres substances ou son mode de consommation. Le café et le maté avaient ainsi été classés comme cancérogènes en 1991. Le CIRC a cependant dû revenir sur son avis et reconnaître que ce ne sont pas les boissons qui augmentent le risque de cancer mais le fait de les consommer à des températures excessives.
Assistons-nous à une erreur similaire dans le cadre du glyphosate ? Des rétropédalages récents, qui semblent ne pas exclure cette hypothèse.