Le gouvernement table sur 1,3 million d’actes de téléconsultation en 2021, alors que le secteur de la e-santé séduit de plus en plus d’acteurs économiques.
Dans le grand champ des innovations digitales, 2018 pourrait être l’année de la télémédecine. Envisagée depuis une loi du 21 juillet 2009 dite « HPST » et rendue possible grâce aux technologies de l’information et de la communication, la pratique va pouvoir se généraliser petit à petit. Ceci grâce à l’accord signé en juin dernier par la totalité des syndicats de médecins et l’assurance maladie, qui prévoyait l’entrée en vigueur de la « médecine 2.0 » à la mi-septembre. Ce qui est chose faite. Depuis deux semaines, deux actes médicaux – le ministère de la Santé en compte cinq au total –, la téléconsultation et la télé-expertise, bénéficient ainsi d’un cadre juridique propre, et peuvent bénéficier d’un remboursement, au même titre qu’une consultation traditionnelle. Dont le prix reste inchangé, puisque le rendez-vous numérique sera facturé 25 euros.
Une réponse aux défis actuels
« La téléconsultation permet à un professionnel médical de donner une consultation à distance par l’intermédiaire des Technologies de l’Information et de la Communication. C’est un acte médical et une action synchrone », dans le sens où « patient et médecin se parlent » précise le site Internet du ministère. Tout comme le rendez-vous « physique », la téléconsultation « permet au professionnel de santé médical requis de réaliser une évaluation globale du patient », afin d’en tirer un diagnostic et une « conduite à tenir ». La télé-expertise permet à ce même professionnel de « solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux par l’intermédiaire des [TIC] ». A la différence du premier acte, c’est « une action asynchrone », puisque « patient et médecin ne se parlent pas ».
Loin de se substituer aux pratiques médicales traditionnelles – en présence du patient –, la télémédecine leur est « complémentaire », affirme le ministère de la Santé, et doit constituer « une réponse aux défis auxquels est confrontée l’offre de soins aujourd’hui ». A savoir : le vieillissement de la population, le suivi approfondi des maladies chroniques et l’amélioration de l’accès aux soins, notamment dans les zones fragiles et les déserts médicaux. Désormais, il suffit effectivement d’avoir un simple accès à Internet – sécurisé, puisque des informations à caractère médical vont « voyager » – pour avoir recours à la consultation. Seule contrainte : la téléconsultation devra passer obligatoirement par le médecin traitant. Ce qui peut être perçu, d’un autre côté, comme un avantage, les patients demeurant ainsi dans un cadre familier.
Dans les prochains mois, voire les prochaines semaines, ce sont des centaines de praticiens – pour peu qu’ils sachent se servir des outils numériques – qui franchiront le pas de cette « médecine 2.0 ». Qui, comme le note l’Assurance maladie, s’adresse à « tout médecin […] quels que soient : sa spécialité, son secteur d’exercice et son lieu d’exercice, en ville ou en établissement de santé ». Idem, « tout patient, qu’il soit atteint d’une affection aiguë ou d’une maladie chronique, peut a priori se voir proposer une téléconsultation. » Celle-ci, précise cependant l’organisme, relevant « de la seule décision du médecin (traitant ou correspondant selon les cas) qui doit juger de la pertinence d’une prise en charge médicale à distance plutôt qu’en face-à-face ». Quoi qu’il en soit, la télémédecine devrait trouver son public, espère le gouvernement, et certains acteurs commencent à placer leurs pions dans ce secteur.
1,3 million de téléconsultations en 2021
C’est le cas de Doctolib, le numéro un français des prises de rendez-vous médicaux en ligne, utilisé par 60 000 professionnels de santé. Jeudi 27 septembre dernier, la plateforme inaugurait son Health Tech Center, un espace de 1 000 mètres carrés situé dans le 8ème arrondissement de Paris, qui accueillera quelque 150 ingénieurs d’ici l’an prochain. Leur rôle ? Tâcher de convertir l’entreprise aux téléconsultations et télé-expertises, rendues possibles, s’agissant des premières, à partir du 1er janvier prochain. Doctolib collabore d’ailleurs en ce moment avec 500 médecins, pour élaborer des grilles de formation à destination des praticiens et savoir comment accompagner au mieux les patients. Car bien qu’officiellement en vigueur, l’e-consultation n’en est qu’à ses premiers balbutiements – quelque milliers d’actes seulement sont réalisés chaque année.
Pas de quoi effrayer, par exemple, les groupes mutualistes Vyv et Audiens, qui se sont engagés sur la voie digitale il y a quelque temps déjà. Le second, groupe de protection sociale des professionnels de la culture, des médias et de la communication, propose effectivement depuis janvier dernier une nouvelle offre santé à destination de ses cotisants, grâce à la signature de deux partenariats avec des acteurs de la e-santé. Dont Médecin Direct, un site de consultation médicale à distance, utilisé par une dizaine de millions de Français et disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, par téléphone ou visioconférence. Preuve que le virage numérique est d’ailleurs bien amorcé, Audiens propose également un service d’assistance digitale baptisé Vivoki, qui permet de mesurer l’effort physique et d’analyser l’activité à l’aune des objectifs quotidiens fixés.
Les objectifs des pouvoirs publics, quant à eux, sont assez clairs : faire progresser, dans les prochaines années, la courbe des téléconsultations en France. Dans ses prévisions budgétaires pour 2018, le gouvernement a effectivement tablé sur 500 000 actes de la sorte en 2019, 1 million en 2020 puis 1,3 million en 2021. Reste à présent aux principaux concernés, à savoir les médecins et les patients, à adhérer à ce nouveau paradigme de la consultation médicale, qui pourrait alors se développer très rapidement. De nombreux acteurs privés se tenant prêts à conquérir ce jeune marché.