En 1561, Philippe Nicot, ambassadeur de France à Lisbonne, pouvait-il imaginer qu’en envoyant à Catherine de Médicis du tabac pour soulager ses migraines, que son nom serait associé à un produit dont la consommation annuelle a atteint des chiffres impressionnants au cours de ces dernières années et qui est devenu la première cause de mortalité en France ?
Le monde n’a jamais connu de produit créant plus forte dépendance que le tabac… Bien que les campagnes d’information aient été nombreuses, celles-ci reposent souvent sur la peur, et force est de constater que cela ne fonctionne pas. Cela augmente l’angoisse des fumeurs et leur donne encore plus envie de fumer, donc ces campagnes sont ambigües. C'est à l’adolescence que les jeunes commencent à fumer et, la plupart du temps, les messages diffusés ne prennent pas en compte les leviers susceptibles d’atteindre les objectifs souhaités. Il semble important d’éduquer les jeunes sur le comportement, car c’est les armer pour en faire des adultes capables d’affronter les pièges de la vie. Interdire ne sert à rien, si ce n’est justement d’aller contourner cette interdiction par tous les moyens.
Le rapport de la Cour des comptes de décembre 2012 a révélé que malgré toutes les campagnes de prévention, la suppression de toute publicité, les interdictions de fumer dans les lieux publics et dans les écoles, les hausses de prix du tabac qui devraient dissuader de commencer, le pourcentage de fumeurs ne décroit pas. Il augmente même de 2,5% pour les femmes et les personnes en difficulté. L’argent dépensé serait-il parti en fumée ? Le risque majeur du tabagisme, celui dont on ne parle jamais, et pourtant le plus grave, c’est la pauvreté, la précarité. Ce sont en effet les classes sociales les plus défavorisées qui fument le plus.
Fumer est une réponse et aussi une demande, c’est donc un symptôme, « Dépendre de » c’est être sous la domination, sous l’emprise. C'est exactement ce qui se passe quand un comportement devient inévitable et automatique. Certains fumeurs disent qu’ils aiment le goût du tabac, qu’ils éprouvent du plaisir à fumer, la cigarette devient circonstance, contact, détente, accessoire, bouche-trou, coupe-faim… Même si cela est vécu comme un plaisir, ce comportement est un leurre. Fumer est un lien, un rôle symbolique d’identité qui va permettre de supprimer un stress, une souffrance, dont certains ne sont pas conscients. Il semble inutile pour le moment de les convaincre. Pourtant, une prévention plus ciblée, plus pédagogique et ludique même, permettrait peut-être de leur faire comprendre ce qui se cache derrière leur geste. Faire de la prévention pour informer sur le comportement, et non pas sur les risques, sans culpabiliser, permettrait de semer des petits cailloux sur le chemin de la liberté.
D’autres au contraire souhaitent se libérer de cette addiction et pourtant n'en trouvent pas la force. Ils disent d’une manière presque désespérée : « Je voudrais bien mais je ne peux pas ». Se libérer de cette addiction est une décision suite à un raisonnement logique dont la volonté n'a, malheureusement, qu’un pouvoir très temporaire. La volonté ne peut agir sur les automatismes qui sont ancrés dans le cerveau. La simple volonté ne suffit pas. C’est la motivation qui est le moteur ou le cœur de nos actes. Nous ne faisons bien que ce que nous avons envie de faire. Nul n’arrêtera de fumer s’il n’en a pas le désir.
Si un fumeur n’est pas prêt à arrêter, toute technique ou substitut aussi puissant qu’il soit ne fonctionnera pas. Les produits de substitution vont même jusqu’à renforcer le sentiment d’échec et faciliteront les rechutes. En revanche, aborder l’individu dans sa spécificité et aussi informer largement sur les mécanismes de la dépendance, les idées préconçues, les pièges à éviter, sont des atouts efficaces. Le passage à l’acte ne pourra se faire que si les motifs «pour sont supérieurs aux motifs « contre ». L’indépendance peut être acquise dans le temps, le principal est d’atteindre l’objectif fixé. Il n’y a pas d’échec, ni de rechute, il y a juste des humains qui font de leur mieux, à comprendre et trouver les solutions qui correspondent à chacun pour s’en débarrasser. Etre aidé, c’est comprendre et trouver les solutions avec des spécialistes. Faire de la prévention différente, sans culpabilité, en entreprise, dans les collectivités et surtout chez les jeunes, afin qu’ils n’achètent pas ce premier paquet.
Plus nous ferons de la prévention pédagogique, ludique, plus nous contribuerons à ouvrir les yeux sur les mécanismes de la dépendance et les chemins possibles pour prendre le contrôle de soi et se libérer, et revenir à un état naturel.
Et puis, pour celui qui retrouve à la fois son état naturel et sa liberté, ce succès est personnel et ne doit être attribué à personne d’autre que celui ou celle qui prend ce chemin.