Devant ses homologues réunis pour l’assemblée générale de l’ONU, le président congolais Félix Tshisekedi a livré un discours offensif, refusant l’aumône des pays occidentaux tout en les appelant à prendre leurs responsabilités afin d’éviter une recrudescence de la pandémie sur le continent.
Après deux ans de pandémie et alors que l’humanité est confrontée à des crises parmi les plus graves de son histoire, insuffler de l’espoir lors de la traditionnelle assemblée générale des Nations Unies relevait, cette année, de l’exercice de style pour les chefs d’Etat et de gouvernement réunis la semaine dernière à New York. C’est pourtant le défi auquel s’est attelé Félix Tshisekedi, en sa double qualité de président de la République démocratique du Congo (RDC) et de président de l’Union africaine (UA), qui a délivré devant ses homologues un discours à la fois offensif, optimiste et, de ce fait, remarqué : « l’Afrique n’a pas besoin d’aumône, elle se bat pour conquérir des espaces de liberté et d’action dans un monde toujours en compétition, afin de se forger un destin meilleur et d’apporter davantage sa contribution au progrès général de l’humanité », a lancé Tshisekedi à la tribune.
Si l’Afrique ne quémande plus, comme l’assure le président congolais, le continent, encore largement sous-vacciné, ne s’en débat pas moins avec la crise sanitaire. Exhortant la communauté internationale à prendre la mesure de l’urgence, Félix Tshisekedi a plaidé pour « augmenter la capacité des tests dans les pays (africains) qui ne disposent pas des produits de laboratoire requis », « assurer un approvisionnement suffisant et rapide en médicaments et équipements nécessaires à la prise en charge des malades », et « généraliser la vaccination en approvisionnant en vaccins ceux qui ne les produisent pas et en les dotant de capacités de production locale ».
L’Afrique à la traîne sur la vaccination
De fait, avec moins de 4% de sa population primo-vaccinée, l’Afrique est encore – très – loin du compte et des taux des pays les plus développés, au sein desquels les troisièmes injections sont déjà administrées à de larges pans de population. Certes, le continent n’a enregistré que 8 millions de cas et 200 000 décès depuis le début de la pandémie, mais les scientifiques sont de plus en plus alarmistes et redoutent publiquement, à la faveur des fêtes de fin d’année, une résurgence de l’épidémie. Et pour cause : il manquerait quelque 500 millions de doses au fameux dispositif Covax afin que celui-ci atteigne ses objectifs, c’est-à-dire vacciner quatre Africains sur dix d’ici à la fin de l’année. La faute à de longs retards dans les livraisons, mais pas que.
Des raisons techniques sont également en cause, accentuant le retard accusé dans la vaccination de la population africaine. Pour Jean-Michel Huet, associé BearingPoint, « la logistique, et pour certains vaccins la problématique de la chaîne du froid, est une difficulté sur un continent où moins de 30 % des villages disposent d’un accès routier en dur. Le suivi des patients et l’accès à l’information (qui doit se faire vacciner, quand, où, quel suivi) sont également une problématique », estime encore dans les pages de L’Opinion celui qui préside la commission « digital » du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian).
Devant l’ONU, le « Monsieur vaccin » de l’Afrique défend ses propositions
Comment sortir de ce qui risque bien de devenir un cercle vicieux entrainant le continent et ses habitants dans une spirale de contagions à la Covid-19 ? Endossant, cette fois, sa casquette de « Monsieur vaccin » de l’Afrique, Félix Tshisekedi a profité de la tribune de l’ONU pour rappeler que « la victoire contre la Covid-19 n’est possible et durable que si le combat demeure une affaire de tous et si nous atteignons un taux d’immunité collective suffisant pour l’ensemble de l’humanité ». Une manière, pour le président en exercice de l’UA, de rappeler à ses pairs des pays développés que le virus se moque des frontières humaines et politiques, et que nulle région du monde ne pourra s’estimer définitivement hors de danger tant que l’épidémie fera rage à l’autre extrémité de la planète.
« Pour sa part, a poursuivi Félix Tshisekedi, l’Afrique n’a pas croisé les bras et n’entend point capituler devant une quelconque fatalité du destin. Au contraire ! Elle a mis en place une stratégie continentale commune contre la Covid-19 », le leader congolais rappelant la création du Fonds de réponse à la Covid-19 ou celle, prochaine, d’une Agence africaine des médicaments. Mais il faudra de l’argent, beaucoup d’argent – et de l’argent qu’elle n’a pas – pour que l’Afrique absorbe le choc. C’est pourquoi Tshisekedi a salué les diverses initiatives visant à suspendre ou restructurer la dette des pays africains, mais aussi appelé le FMI à dépasser les 33 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS) promis pour financer les économies des pays en difficulté. Des sommes « insuffisantes au regard de l’immensité des besoins », a balayé le chef d’Etat, qui a plaidé pour atteindre 100 milliards de DTS. Une manière, pour Félix Tshisekedi, « de matérialiser les promesses faites à l’Afrique en compensation des sacrifices consentis » dans la lutte contre le réchauffement climatique.