Parler d’acharnement thérapeutique dans un des pays les plus riches au monde, peut paraitre saugrenu alors que la majorité des êtres humains n’a tout simplement pas accès aux soins les plus rudimentaires. Sa définition « officielle » par le comité consultatif national d’éthique est pourtant la suivante : « L'acharnement thérapeutique se définit comme une obstination déraisonnable, refusant par un raisonnement buté de reconnaître qu'un homme est voué à la mort et qu'il n'est pas curable. »
Willy Rozenbaum disait « La vie est une maladie sexuellement transmissible constamment mortelle ». Nous savons donc qu’à partir de l’alpha de notre naissance, nous vivrons une lutte acharnée jusqu'à l’oméga de notre mort. Le caractère relatif de « déraisonnable » devient alors criant, que ce soit vis-à-vis de l’espérance de vie ou des souffrances engendrées pour gagner à n’importe quel prix un sursis. Je trouve insuffisant que l’on puisse s’appuyer sur un critère aussi subjectif pour ériger les fondations d’un guide d’éthique et de bonne conduite médicale, que celui du choix raisonnable ou déraisonnable d’un médecin. Ainsi, il faudra bien différencier l’acharnement thérapeutique, des soins palliatifs qui ne sont que des soins de confort sensés atténuer les douleurs et permettre une fin de vie la plus digne possible. L’acharnement, pour sa part vise un objectif de maintien de la vie quel qu’en soit le prix à payer.
Ma définition de « L’acharnement thérapeutique » serait bien plus simple, bien plus légitime et basée uniquement sur l’individu – unique par définition dans ses choix et ses attentes. L’’acharnement commencerait au moment où vous avez décidé de partir, où vous savez au plus fort de vous-même que l’absence de vie est préférable à la vie, mais que d’autres œuvreraient à vous maintenir en vie au mépris de votre volonté.
Je suis un militant des libertés individuelles, et la liberté de choix pour l’euthanasie est un de mes combats. Car si l’on n’est pas pleinement propriétaire de son corps, de quoi est-on vraiment propriétaire en ce monde ? L’acharnement thérapeutique fait partie intégrante de ce processus qui vous rattache à la vie, il devient donc évident que vous soyez au cœur de la prise de décision soit au crépuscule de votre vie si vous en avez encore la possibilité, soit en amont en faisant connaitre vos volontés dans ce qui serait un « testament de vie », utile pour guider le corps médical et faire respecter vos décisions. L’avenir nous apportant toujours plus d’innovations, il est, je pense, urgent de se pencher sur la légitimité du choix dans ce qui pourrait devenir une vie éternelle reliée à des machines.
Bien entendu, le rôle du monde de la santé, dans le combat contre la maladie, le handicap ou simplement les effets de l’âge, reste l’accompagnement et le bien être. Tous les moyens disponibles doivent être utilisés en accord avec le patient, mais surtout, toute l’information disponible doit être délivrée avec psychologie et prévenance. Appliquer un traitement ou pas, est un choix technique de la part du médecin, mais in fine c’est vous que devez décider si vous souhaitez ou pas le recevoir. C’est à mon sens ici, que se situe la limite entre acharnement et thérapie ; entre refus et adhésion.
Le médecin considère encore bien trop souvent la mort comme un échec, alors que sa préoccupation première devrait être le bien être du malade, la liberté de choix et le travail d’équipe dans la concertation et la confiance réciproque entre le médecin et son patient. En matière de vie, le choix entre qualitatif et quantitatif ne doit revenir à personne d’autre qu’à l’individu pour lui même.