Après une crise humanitaire et sécuritaire, le Burkina Faso pourrait connaître une crise sanitaire sans précédent avec l’arrivée du Coronavirus sur son territoire. Les autorités peinent à enrayer la propagation de la pandémie qui a déjà frappé la classe politique. Le gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré n’en sortira peut-être pas indemne.
« L’Afrique doit se préparer au pire ». C’est en ces termes que Tedros Adhanom Ghebreyesus, le Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé, s’est exprimé le 18 mars dernier lors d’une conférence de presse virtuelle. Depuis, le continent africain a mis en place des mesures de confinement. Mais la pandémie a déjà pris de court l’Afrique de l’Ouest, et notamment le Burkina Faso.
Le pays des Hommes intègres n’avait pas besoin de ça… Déjà frappé par une grave crise humanitaire, avec 800 000 déplacés, et sécuritaire (des attaques terroristes à répétition), le pays doit aujourd’hui faire face à la propagation du Covid-19 et serait à ce jour le pays le plus touché en Afrique de l’Ouest. Sept morts officiels sont à déplorer, notamment la deuxième vice-présidente du Parlement.
Un système de santé déjà très fragile
De nombreuses personnalités du pays ont été testées positives au Covid-19 : Monseigneur Séraphin François Rouamba archevêque de Koupela, ainsi que cinq ministres burkinabè : Harouna Kaboré, ministre du Commerce, Oumarou Idani, ministre des Mines et des Carrières, le ministre de l’Education nationale Stanislas Ouaro, le ministre de l’Administration territoriale Siméon Sawadogo et le ministre des Affaires étrangères, Alpha Barry. Sans oublier l’ambassadeur d’Italie et des Etats-Unis. Des rumeurs ont même concerné le président Roch Marc Christian Kaboré, démenties par l’intéressé.
Dans la capitale, à Ouagadougou, un seul centre de prise en charge des malades est opérationnel. Mais on y déplore une pénurie de lits, de respirateurs et d’incinérateurs. Dans les pharmacies, les solutions hydroalcooliques et les masques de protection sont en rupture de stock. Dans le reste du pays, les structures sanitaires sont vétustes et déjà saturées, et une centaine de centres ont fermé leurs portes du fait de l’insécurité grandissante à laquelle est confrontée la population depuis 2015. Sans oublier l’indisponibilité quasi permanente de l’eau courante dans les hôpitaux.
Une gestion calamiteuse du Covid-19 par la classe politique
Les syndicats des soignants tirent la sonnette d’alarme. « On n’était pas préparés à cela, on a voulu gérer l’épidémie comme Ebola. Sans solution rapide, on court vers un scénario catastrophe », prévient Alfred Ouedraogo, secrétaire général du Syndicat des médecins du pays.
Sur les réseaux sociaux, certains accusent les autorités de n’avoir pas su anticiper la gravité et la dangerosité du Covid-19, et de n’avoir pas préconisé à temps l’usage des fameux gestes barrières. Le président du parti Le Faso Autrement, Ablassé Ouédraogo, dénonce le « laxisme » d’une classe politique impréparée et impuissante face à l’épidémie. « Le sommet de l’Etat doit exemplarité et redevabilité au peuple. Si d’autres ministres et députés ont été contaminés, ce qui est très probable, on nous doit la vérité pour limiter la propagation ! », déplore-t-il.
Une classe politique fragilisée et attaquée sur tous les fronts
Bien avant la propagation du virus sur le territoire burkinabè, le gouvernement devait faire face à une grogne sociale liée à une politique sécuritaire défaillante. En effet, le pays connait une vague de violence sans précédent. Depuis 5 ans, le Burkina Faso est confronté à des attaques meurtrières attribuées à des groupes djihadistes, qui ont fait plus de 800 morts, et au total 800 000 déplacés.
Le gouvernement semble impuissant à endiguer ces violences et incapable de maîtriser ses forces armées. Selon Eddie Komboïgo, principale figure de l’opposition et futur candidat à la présidence burkinabè, l’insécurité généralisée du pays « provient de la faillite du pouvoir et de son manque d’anticipation ». L’inquiétude au sein de la population grandit face à un gouvernement qui n’est pas en mesure d’assurer la santé et la sécurité des citoyens.
La propagation du virus fait craindre un contexte sécuritaire et sanitaire hors de contrôle.