Une première version de ce texte est parue dans la revue Archives de pédiatrie, 16-7, 2009, 1000-1004.
§ I. Définitions
Un certain nombre de parents comptabilisent avec inquiétude le temps que leur fils ou leur fille passe devant l'écran de l'ordinateur ou celui d'une console de jeu (2) , parfois depuis un âge très tendre ( dix, onze ans ) Une petite partie de ces parents s'alarme bien trop vite et trop fort, dans un contexte d'angoisse, d'ignorance des vrais risques, de volonté de contrôle ou de résistance au changement des habitudes sociales et récréatives contemporaines : je ne les prendrai pas en considération dans la suite de l'article.
Un rien arbitrairement, choisissons une quantité de temps que nous considérerons comme préoccupante : ados rivés à l'écran d'un jeu vidéo ou d'autres applications d'Internet plus de trois heures quotidiennes les jours d'école et plus de cinq, six heures les autres. Et cette routine tenace est couplée à des critères qualitatifs : irritabilité du jeune si on l'invite à participer à la vie socio-familiale ; tâches scolaires bâclées ; fatigue par manque de sommeil, tricheries ou conflits pour maintenir ses habitudes, etc …
A. Il faut néanmoins distinguer deux pôles où se satellisent ces excès, avec un gradient de fréquentation décroissante qui les réunit :
– Les adolescents grands consommateurs de loin les plus nombreux relèvent d'une « consommation abondante simple ». Ce sont des gourmands, ni plus ni moins ; ils le deviennent pour de multiples raisons, mais il n'est pas trop difficile de les en détacher si leur vie externe leur apparaît comme plus attractive.
Autant si se résolvent des problèmes externes ou internes par rapport auxquels la fréquentation des écrans constitue au moins en partie une compensation.
Fondamentalement, ils n'ont jamais perdu le principal de leur liberté de choix !
Ainsi en voit-on beaucoup désinvestir spontanément, totalement ou très largement, leurs interminables palabres sur MSN ou sur Facebook dès qu'ils entrent dans la vie universitaire, dans le monde du travail ou dès qu'ils ont un lien sentimental profond.
– Au pôle opposé, les plus rares sont les jeunes devenus dépendants, cyberdépendants ou dépendants aux jeux vidéo, au sens psychiatrique du terme. C'est comme pour le cannabis : seuls quatre à cinq pour cent des gourmands sombrent lentement mais sûrement dans une dépendance parfois très profonde, le plus souvent vers seize – dix-sept ans (3)
Quand il y a addiction, le jeune a bel et bien perdu sa liberté intérieure : ce sont l'ordi, les jeux et les sensations plaisantes qu'ils procurent qui dirigent sa vie ( Le Diberder, 1998 )
B. Il existe enfin une catégorie qui concerne au plus un à deux pour cent des ados, et qui coexiste fréquemment avec la première, c'est la passion. On ne peut pas vraiment parler de passion à propos du goût effréné pour les jeux vidéo : ici, c'est la langue populaire qui utilise ce terme. Par contre, tel ou tel jeune peut se passionner pour l'infographie, le maniement et la maîtrise des processus informatiques, la confection de sites ou de blogs ( passion POUR Internet ) Par ailleurs, Internet peut servir de véhicule privilégié à la réalisation de bien d'autres passions ( recherches, collections, etc : passions PAR Internet )
A la différence des autres consommateurs excessifs, les passionnés sont plutôt fiers de leur passion qui leur demande un vrai travail, et ils cherchent le plus souvent un partage social des processus et des résultats. Nous n'en dirons pas davantage sur la passion dans le cadre d'espace limité de cet article.
Cet article est disponible sur le site de Jean-Yves Hayez