Mireille Faugère, présidente de l’AMREF France et Filippo Monteleone, membre du conseil d’administration et président du Club Santé Afrique, fonds de dotation d’AMREF France, sont animés par une ambition commune : améliorer l’efficacité des systèmes de santé. Ils tirent leur expertise de leur précédente fonction. L’une dans le public, en tant que directrice générale de l’AP-HP, l’autre dans le privé, en tant que directeur général délégué de Ramsay Générale de Santé.
Avec 12 millions de personnes aidées par an en Afrique sub-saharienne, l’AMREF Health Africa est une ONG de santé publique faite par et pour les africains. Ses méthodes innovantes d’accès à la santé pour les personnes démunies, s’articulent autour de 3 grands axes : l’empowerment des femmes, la e-santé et la coopération public-privé. Un modèle dont pourraient s’inspirer nos propres établissements de santé.
A quelle occasion avez-vous fait connaissance ?
Mireille Faugère : Lorsque j’ai quitté la SNCF, avant de prendre la direction de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), je me suis intéressée au secteur médical privé et je rencontrais différents acteurs de la santé en France. C’est à cette époque que j’ai connu Filippo.
Filippo Monteleone : J’étais de mon côté à la direction de Ramsay Générale de Santé.
Mireille Faugère : Nous venions de 2 environnements concurrentiels, aux cultures très différentes !
Filippo Monteleone : Mais ceci ne nous a jamais empêché de coopérer. Et c’est aujourd’hui l’AMREF qui nous réunit…
Quand avez-vous rejoint l’AMREF ?
Filippo Monteleone : L’AMREF jouit d’une très grande notoriété en Italie, mon pays d’origine. J’ai rejoint l’AMREF il y a 6 ans. L’ONG cherchait alors des personnalités ayant une réelle expertise des entreprises de la santé.
Mireille Faugère : Pour ma part, j’y suis arrivée à l’été 2015, curieuse de découvrir d’autres façons de travailler et d’appréhender les problématiques de santé.
Comment décririez-vous l’AMREF et sa façon d’opérer ?
Mireille Faugère : J’ai été séduite par le positionnement original de l’AMREF, qui est en accord avec mes convictions profondes. Il s’agit d’une ONG africaine, puisque son siège se situe à Nairobi, au Kenya. Ses programmes sont conçus depuis 60 ans par des africains, pour des africains. C’est un gage d’efficacité. Elle développe des politiques de santé publique robustes et durables autour de 3 piliers : l’accès aux soins, la formation des professionnels et la mise en place d’une couverture de santé universelle. Proximité, implication des acteurs locaux et efficacité vont de pair.
Filippo Monteleone : L’AMREF a mis en place un modèle très intéressant qui la distingue des autres ONG. Ses solutions aux problèmes de santé en Afrique sont conçues et mises en place localement. Elles ont pour vocation de s’inscrire dans la durée.
Mais alors quel est le rôle de l’AMREF France ?
Mireille Faugère : L’AMREF a été créée en Afrique de l’Est et a naturellement développé ses programmes dans les pays anglophones. A l’AMREF France, nous avons eu à cœur de ne pas laisser la moitié ouest de l’Afrique sub saharienne à l’écart de nos programmes alors que les indicateurs de santé y étaient très dégradés. Nous disposons maintenant d’un bureau régional à Dakar.
Filippo Monteleone : L’AMREF France a également pour mission de sensibiliser les entreprises françaises implantées en Afrique aux enjeux de santé et de leur montrer qu’un véritable engagement sur le long terme est nécessaire pour faire bouger les lignes. C’est pour cette raison que nous avons constitué le Club Santé Afrique au sein d’AMREF France, afin de créer un engagement de long terme des entreprises françaises implantées en Afrique et qui souhaitent soutenir notre action dans la durée.
Est-ce que la santé en Afrique est aussi un enjeu pour des pays tels que la France ?
Mireille Faugère : Naturellement ! L’Afrique est le continent du XXIème siècle. Pour que le monde aille bien, il faut que l’Afrique aille bien, et pour cela il faut que les femmes africaines aillent bien. L’empowerment des femmes, leur santé et leur éducation en santé sont clés. La lutte contre l’excision fait d’ailleurs partie des missions de l’Amref qui s’inscrit dans les objectifs 2030 de l’ONU.
Filippo Monteleone : Il est également intéressant et souvent inspirant d’étudier l’évolution du secteur de la santé en Afrique. Un saut technologique se produit dans certains pays. L’agilité de l’administration facilite la digitalisation du système de santé.
Faut-il opposer engagement sociétal et recherche de profit ?
Filippo Monteleone : En France il y a beaucoup de questions sur l’engagement sociétal des entreprises. D’où les fondations qui permettent de répondre à ce besoin. Mais l’engagement doit faire partie du modèle économique des entreprises. Activités lucratives et non-lucratives ne sont pas contradictoires. L’AMREF a été précurseur dans cette logique : une innovation comme les « flying doctors », nécessaire pour atteindre les objectifs de l’ONG, est maintenant mise à disposition des compagnies d’assurance.
Mireille Faugère : En effet cette offre de rapatriement sanitaire est proposée de manière payante aux entreprises privées et le profit retiré permet de participer au financement de nos actions humanitaires.
Filippo Monteleone : Exactement ! Lorsque des outils ou des infrastructures sont créés, il est possible de les vendre, ou de trouver des partenariats.
Mireille Faugère : Au sein de l’AMREF international, la holding gère la partie humanitaire, et cohabite avec des business units, comme « flying doctors », une université de santé publique ou l’AMREF entreprises.
Filippo Monteleone : Et ça n’a rien de choquant !
Est-il difficile de lever des fonds en France ?
Mireille Faugère : Oui car il y une véritable concurrence. Les entreprises sont très sollicitées. Nous devons donc montrer combien les entreprises françaises qui investissent en Afrique ont intérêt à se préoccuper de la santé des africains.
Filippo Monteleone : Il faut apporter la preuve de notre engagement et de notre professionnalisme. Nous sommes régulièrement audités, et respectons une compliance de très haut niveau. L’AMREF s’est développée sur un modèle culturel anglo-saxon, le partenariat public/privé fait partie de son ADN.
Mireille Faugère : Les fondations d’entreprise, mais aussi les bailleurs publics, demandent effectivement des résultats tangibles, en impact de nos actions sur la santé des populations et en suivi financier et comptable des financements. L’évaluation fait partie du métier. On nous demande des suivis très stricts, nous devons rendre des comptes. Le niveau d’exigence est très élevé, qu’on ne s’y trompe pas : c’est celui du monde de l’entreprise, et il supporte la comparaison avec celui réclamé dans les établissements de santé français.
Quelles sont vos ambitions pour l’AMREF en France ?
Mireille Faugère : La rendre plus visible car elle repose sur un modèle juste, moderne et inspirant. L’AMREF peut et doit devenir une fenêtre sur l’Afrique et sur un modèle de développement particulièrement pertinent. Notre objectif est qu’elle se développe.
Filippo Monteleone : En aidant les entreprises françaises à mieux comprendre l’Afrique, AMREF France et le Club Santé Afrique favorisent leur implantation et le développement d’un projet d’entreprise et sociétal en Afrique. Ainsi, AMREF est à l’origine d’échanges très enrichissants dans les 2 sens et contribue à renforcer les liens entre nos continents pour une plus grande compréhension réciproque. Il en va de notre avenir commun.