Deux ans après la fin de l’épidémie du virus Ebola, les effets de la maladie se font encore sentir sur la population et l’économie des pays touchés. La crise aura cependant permis l’émergence d’un vaccin dont le modèle pourrait inspirer les chercheurs qui luttent contre le VIH.
Les Guinéens s’apprêtent à commémorer le deuxième anniversaire de la fin de l’épidémie du virus Ebola, « la plus importante et la plus complexe depuis la découverte du virus en 1976 », selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En effet, la flambée qui a sévi en 2014-2016 en Afrique de l’Ouest « a produit plus de cas et de décès que toutes les précédentes flambées réunies », rappelle l’agence onusienne. L’épidémie a tué plus de 11 000 personnes en moins de deux ans, dont 2 500 en Guinée, 4 800 au Liberia et 3 900 en Sierra Leone.
Hélas, pour de nombreuses victimes le calvaire n’est pas terminé. Dans une étude publiée dans la revue Clinical Infectious Diseases, des chercheurs de l’Université de Liverpool affirment que plus de 4 survivants de l’épidémie sur 5 présentent des troubles de la mobilité, soit environ 7 fois plus que dans le reste de la population. Les survivants sont en outre plus de 200 fois plus susceptibles d’éprouver des difficultés à marcher ou à monter des escaliers. Les douleurs, la fatigue, l’anxiété et la dépression sont les quatre facteurs qui contribuent à cette perte de mobilité.
Un an après leur guérison, les survivants souffrent de problèmes de vision, de troubles neurologiques ou de difficultés à accéder à leurs souvenirs et se concentrer. Pour le Dr Janet Scott, spécialiste des maladies infectieuses et une des auteurs de l’enquête de l’Université de Liverpool, « cette étude met en lumière le fait que l’infection par le virus Ebola provoque des handicaps substantiels à long terme ».
Expérience longue et difficile
Et pas seulement pour les personnes. Outre son cortège macabre, l’épidémie laisse derrière elle un désastre économique. La Banque mondiale estime à près de 2,2 milliards de dollars les pertes en produit intérieur brut pour la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia. Les secteurs extractif, minier et celui de l’agroalimentaire ont dû suspendre leurs activités, tandis que la mise en quarantaine de communautés, le blocage des routes, la fermeture des frontières, la suspension des vols internationaux et l’interruption du trafic maritime ont eu de lourds impacts sur la population et l’économie de la région.
Alors oui, dans quelques mois, l’Afrique de l’Ouest pourra commémorer la fin d’une expérience longue et difficile qui a effrayé la planète entière. Mais elle pourra aussi et surtout fêter la découverte d’un vaccin qui permettra de tourner définitivement cette page douloureuse de son histoire récente.
Officiellement lancé le 9 août dernier au Centre de recherche en épidémiologie-microbiologie et des soins médicaux (CREMS) de Kindia (à 135 km de la capitale guinéenne), construit par le producteur russe d’aluminium RUSAL, le vaccin « GamEvakCombi » a été développé par des spécialistes russes et confectionné par le Centre fédéral de recherche en épidémiologie et en microbiologie N. F. Gamaleya.
« Une expérience réussie », selon le PDG de RUSAL
Lors de la cérémonie de lancement du vaccin, organisée par la société RUSAL, le ministère russe de la Santé et le gouvernement guinéen, le chef de l’Agence nationale de Sécurité sanitaire, Sakoba Keïta, a rappelé que la Guinée s’est engagée à trouver des remèdes efficaces pour lutter contre le virus avec l’aide des pays amis, dont la Russie. Un millier de volontaires seront vaccinés lors de phases de tests qui représentent un espoir sans précédent dans la lutte contre Ebola.
PDG de RUSAL, Vladislav Soloviov s’estime satisfait des résultats obtenus : « Depuis 2014, la Russie et RUSAL ont soutenu la Guinée dans la lutte contre l’Ébola et, grâce à nos efforts combinés, nous avons réussi à obtenir des résultats tangibles et à freiner la propagation de l’épidémie dans ce pays. Notre coopération s’est avérée être une expérience réussie dans la mise en œuvre des principes de partenariat public-privé dans la résolution de problèmes sociaux importants ».
Mais le développement d’un vaccin contre le virus de l’Ebola pourrait également, par ricochet, représenter un succès majeur dans la lutte contre le VIH. Le docteur Marc Ouellete, directeur scientifique de l’Institut des maladies infectieuses et immunitaires (IMII) des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), a dirigé une des équipes ayant développé un vaccin contre Ebola. Fort de cette expérience, il estime qu’il serait désormais possible de générer un vaccin efficace contre le VIH en utilisant comme base un virus appelé virus de la stomatite vésiculaire (VSV), comme cela a été le cas lors du développement du vaccin contre l’Ebola.