Si l’effet placebo traduit généralement la force positive que peut avoir le mental sur la maladie et la prise de médicament qui en découle, son pendant contraire, dit nocebo, en amplifierait les symptômes. Explications.
Je pense donc je souffre
L’effet placebo est bien connu du grand public et fait référence au phénomène qui veut qu’un verre d’eau mélangée à du sucre et ingurgité en pensant prendre un vrai médicament peut avoir les mêmes résultats que le traitement initialement préconisé. L’autosuggestion déclenche un effet placebo qui augmente la sécrétion de dopamines et d’endorphines pour in fine diminuer la douleur du sujet.
Le cas inverse existe et répond au nom d’effet nocebo. Encore une fois, c’est l’idée fantasmée de ce qui pourrait arriver de pire face à une situation donnée qui va provoquer la chose redoutée. Prévenir quelqu’un de la nature avariée de ce qu’il vient de manger aura des chances de provoquer chez cette personne des maux d’estomac et des problèmes de digestion qui ne seraient peut-être pas apparus si l’information avait été gardée secrète.
Nocebo est un mot latin qui signifie « je nuirai », le contraire donc de placebo qui veut dire « je plairai ». « L'effet nocebo peut produire une vraie maladie », explique le Pr Jean-François Bergmann, chef du service de médecine interne de l'hôpital Lariboisière. Les chercheurs sont nombreux à avoir étudié la question, mettant en évidence le rôle du mental dans différents terrains médicaux.
Si le cerveau permet de faire fonctionner notre corps, l’intégration d’une information peut directement influer sur ce process. En savoir trop sur les effets indésirables d’un médicament ou sur les conséquences probables d’une situation pourraient donc favoriser l’apparition des événements craints.
« Il apparaît que, aussi longtemps que les habitants de Hong Kong n’étaient pas au courant de l’existence de l’anorexie en Occident, ce trouble ne se manifestait pas parmi eux, mais une fois que la notion a atteint la presse et la conscience du public dans les années 1990, le phénomène a explosé », explique l’essayiste américain Stewart Justman. Pour lui, c’est comme si « les personnes atteintes façonnaient inconsciemment leurs symptômes selon le modèle fourni par les médias ».
Le savoir serait alors un facteur conduisant à ce fameux effet placebo. Il y a quelques années, le journal Der Spiegel s’est fait l’écho d’une expérience menée auprès de patients victimes de maladie coronarienne, qui se sont alors vu administrer un traitement dont l’un des effets secondaires entrainait une baisse de libido. Sur la partie des sujets qui n’ont pas été informés de cet effet, 3 % seulement ont fait part d’une diminution de leur appétit sexuel, contre 31 % dans le groupe de patients connaissant les risques du traitement.
Psychose autour des ondes électromagnétiques
On retrouve aussi l’effet nocebo chez les personnes se déclarant sensibles aux ondes électromagnétiques, appelées les électro-hypersensibles ou EHS. En 2009, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) estimait que l’électro-sensibilité concernait 2 % de la population française et 5 % de la population suisse. Comme l’explique Wikipedia « la sensibilité électromagnétique serait une maladie dans laquelle une personne déclare souffrir de symptômes qui selon elle sont causés et aggravés par des champs ou des ondes électromagnétiques. »
L’emploie du conditionnel dans cette définition est important car selon l’ANSES, aucune des études menées jusqu'à présent, que ce soit en France ou dans le reste du monde ne permet de relier les symptômes décris par les « malades » à l'exposition aux champs magnétiques.
Ces symptômes, quels sont-ils ? Les EHS font généralement part de maux de tête, de fatigue, de troubles de la vision et de douleurs cardiaques. Fours à micro-ondes, antennes relais, WIFI, téléphones portables, la liste des ennemis au bien-être est longue pour les EHS et de nombreuses associations de victimes se sont créées pour faire entendre leur combat et crier aux scandales sanitaires.
Seulement, les nombreuses recherches sur le sujet prouvent que les symptômes ressentis par les EHS sont la plupart du temps le résultat d’un sévère effet nocebo. En 2009, un épisode un peu particulier permettait d’éprouver les dires des électro-sensibles.
Cette année-là, plusieurs habitants d’un quartier des Hauts-de-Seine ont porté plainte contre Orange pour demander le démontage d’antennes relais, responsables selon eux de troubles du sommeil et de saignements de nez chez certains riverains. Seul hic au tableau, les antennes en question n’avaient toujours pas été activées au moment de la plainte.
La lutte contre les ondes électromagnétiques conduit aujourd’hui les plus fervents militants à s’attaquer au nouveau compteur électrique communicant, Linky. Actuellement en cours d’installation en France, ce compteur intelligent fait l’objet d’une vaste campagne de sabotage de la part des EHS qui appellent au refus simple et catégorique de ces nouveaux boitiers.
En cause, les ondes électromagnétiques dégagées par Linky qui seraient dangereuses pour la santé, un risque scandé aujourd’hui par de nombreuses associations, Robin des toits en tête. Or, le compteur intelligent distribué par Enedis respecte toutes les normes en vigueur sur ce terrain et les niveaux d’ondes sont bien en deçà des limites imposées par la règlementation européenne selon une étude publiée par l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Linky n’émet pas plus d’ondes qu’une télévision en veille ou qu’un grille-pain.
L’impact de Linky sur notre santé est la dernière machine à fantasmes des électro-sensibles qui considèrent déjà l’installation forcée de cet appareil comme le scandale sanitaire du 21ème siècle. Ici encore, la connaissance poussée des conséquences néfastes que peut provoquer une surexposition à des champs électromagnétiques très importants, notamment en termes de cancer, nourrit les inquiétudes des EHS et les conforte dans leur condition jusqu’à en perdre toute mesure rationnelle du danger.
On pourrait alors facilement prendre l’effet nocebo à la légère et classer les personnes qui en font l’objet dans la catégorie des hypocondriaques ou des malades imaginaires. Ce serait alors nier le mal qui les touche et qui est bien réel, quoi qu’on en dise. Mais s’il est facile de mettre le doigt sur un effet nocebo, il est plus compliqué de prévenir de son apparition, voire de s’en débarrasser une fois déclaré.
Pour éviter l’apparition d’un effet nocebo dans les traitements médicaux, certains chercheurs encouragent le corps médical à faire attention quant aux mots employés lors des échanges avec leurs patients. La communication est essentielle et doit faire l’emploie de formules positives. « La conviction du médecin de l’intérêt d’un traitement va emporter celle du patient et l’on estime qu’elle compte pour un tiers du résultat thérapeutique » explique le psychiatre Patrick Lemoine. Le pouvoir des mots utilisé au profit des patients, plutôt qu’à leur détriment.