Faut-il interdire la e-cigarette aux mineurs ?

« L'e-cigarette, bien fabriquée et bien utilisée est en elle-même un produit qui présente des dangers infiniment moindres que la cigarette, mais les dangers ne sont pas totalement absents. Le principal danger intrinsèque de l'e-cigarette est lié à la dépendance à la nicotine contenue, mais la forme du produit et sa gestuelle sont aussi des facteurs qui pourraient contribuer à entretenir la dépendance. »

Bien que les avis des experts qui ont établi le rapport d'études sur l'évaluation bénéfices/ risques des effets de l'utilisation de la cigarette électronique, en réponse à la demande de la Ministre des affaires sociales et de la Santé Marisol Touraine divergent sur le sujet, le rapport montre bien dans son ensemble un ton de prudence. Le message est donc clair : éviter tout risque qui pourrait inciter les non-fumeurs à la consommation du tabac, voire même tout produit contenant de la nicotine, susceptible de conduire à l'addiction.

Et pourtant, l'Office Français de prévention du Tabagisme (OFT) et la Direction Générale de la Santé (DGS) ont établi ensemble un rapport qui a été publié à l'occasion de la Journée Mondiale sans Tabac du 31 mai dernier, dans lequel ils ont évoqué le fait que la cigarette électronique est effectivement moins nocive que la cigarette traditionnelle fabriquée avec du tabac.

A noter que le rapport des experts fait plus de 200 pages…une conclusion en 200 pages ! Les auteurs vont plus loin jusqu'à parler des éventuels effets électromagnétiques de la cigarette électronique ! Mais ces experts ont quand même mentionné le fait que sans le moindre changement dans la lutte contre le tabagisme, il y aurait continuellement la mort de la moitié des fumeurs causée par des pathologies liées à cette addiction. Sans l'arrêt du tabac, les ravages de ce fléau égaliseraient ceux des drogues les plus foudroyantes qui sont l'héroïne et la cocaïne.

On s'était déjà bien attendu à ce que ce rapport allait susciter encore plus d'attention, surtout chez les scientifiques. Le médecin tabacologue de l'Unité de tabacologie à l'hôpital Calmette de Lille, Corinne Vannimenus fait partie de ces personnes.

Travaillant dans à l'hôpital à Lille, le docteur rencontre quotidiennement plusieurs grands consommateurs de tabac, c'est-à-dire des gros fumeurs. Elle a donné son avis en quelques lignes dans le Journal « La Voix du Nord ».

Selon elle, la cigarette électronique est un produit qui est devenu une mode et qui fait beaucoup parler d'elle en société et dans les médias ces dernières années. Les fumeurs qu'elle reçoit en consultation évoquant pratiquement tous le sujet à chaque fois.

Elle dit qu'à partir du rapport des experts sur la cigarette électronique, qui venait tout récemment d'être présenté au Ministère de la Santé, il sera plus facile de fournir de plus amples explications et d'informations à tous ceux qui s'interrogent encore sur le produit.

« Il apparaît que c'est un produit bien moins toxique que la fumée des cigarettes classiques. Reste qu'on se pose des questions sur une utilisation à long terme (les effets du liquide notamment), et que ce n'est pas recommandé pour les femmes enceintes», ajoute le Docteur Vannimenus.

Quant au fait de considérer la cigarette électronique comme étant un produit d'initiation au tabagisme, le docteur ne fait pas beaucoup de commentaire mais elle dit tout simplement que ce n'est pas vraiment bête d'y penser sérieusement.

Le docteur se soucie aussi du fait que la commercialisation de ce produit n'a pas d'encadrement précis et qu'on devrait se méfier de la distribution sans aucune réglementation du dispositif de la cigarette électronique. « N'oublions pas que la nicotine est un produit toxique », exprime le docteur. Ainsi, il est strictement nécessaire de réaliser d'autres études plus approfondies pour connaître d'une façon définitive « le potentiel addictif » de la cigarette électronique et aussi pour déterminer si ce produit présente ou non des dangers pour la santé de son utilisateur.

Le docteur avoue aussi qu'elle donne toujours son feu vert à ses « patients » qui souhaitent arrêter de fumer grâce à la cigarette électronique pour l'utilisation de ce produit. « Je n'ai pas d'arguments majeurs pour leur dire le contraire. Sauf évidemment pour les femmes enceintes ». Le docteur estime qu'il ne faut pas empêcher les gens d'expérimenter toutes les solutions possibles. « Si certains arrivent à arrêter avec ça, tant mieux. J'ai une attitude pragmatique, de bon sens », dit-elle.

Lorsque les journalistes lui demandent ce qu'elle proposerait pour l'utilisation et la commercialisation de la cigarette électronique, elle se montre plutôt convaincue de l'utilité de ce dispositif pour aider les fumeurs à améliorer leur état de santé, surtout les gros fumeurs. « C'est vraiment difficile d'arrêter de fumer », el le docteur dit qu'elle n'avait effectivement pas de remède miracle pour aider les gens qui viennent la voir. « C'est adapté au patient. Je l'interroge sur sa dépendance, sa motivation, sa vie aussi. C'est vraiment un entretien personnalisé. À l'unité, nous voyons surtout de gros fumeurs qui ont des problèmes de santé » explique-t-elle.

Mais pour que cette méthode fonctionne efficacement, le pneumologue pense qu'il faudrait une vraie politique de santé publique, plus offensive, « en mettant les moyens ».

Pour finir, elle revient sur la cigarette classique en rappelant que même ce produit dont les conséquences dévastatrices sont bien connues de tous, « il n'y a pas assez d'interdits ». Il est toujours aussi facile de s'en procurer. Même les mineurs arrivent aisément à en acheter. C'est cette cigarette tueuse qu'il faudrait tout d'abord bannir : augmenter encore plus son prix, la rendre plus difficile à l'accès, interdire sa publicité…

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