Alors que le déclin de l’accès aux soins devient de plus en plus préoccupant dans l’Hexagone, les Marseillais pourraient disposer d’un nouvel hôpital ultramoderne pouvant accueillir plus de 70 000 patients par an. Mais quelques riverains s’inquiètent de voir disparaitre un « magnifique terrain en friche » et craignent pour « leur vie de quartier ». Quid de la vie des Marseillais ?
Souhaiteriez-vous disposer d’un établissement de soins doté d’un service d’urgence 24h/24 365 jours/an, d’une maternité prenant en charge toutes les urgences obstétricales, d’un service de cardiologie interventionnelle et d’une unité de soins intensifs cardiologiques, d’un service de réanimation polyvalente composé de 20 lits fonctionnant en collaboration avec les urgences ou encore d’une hélistation permettant les transferts primaires ou secondaires de malades ?
On imagine mal les Français répondre à cette question par la négative. D’autant qu’ils n’ont que trop entendu parler de la crise profonde que traverse l’hôpital en France avec ses grèves à répétition, son manque chronique de moyens et son personnel débordé, entre burn out, dépression et suicide.
A Marseille, « la grande ville la plus pauvre de France », la question est particulièrement sensible. Pour le Pr Frédéric Collart, vice-président de la Métropole délégué à la Santé, l’hôpital marseillais « est un grand malade mal soigné ». Le « Monsieur Santé » de la Métropole ne mâche pas ses mots. Si l’Assistance publique–Hôpitaux de Marseille (AP-HM) traverse une « crise sans précédent », c’est parce que le système est « à bout de souffle ». « Le déficit cumulé devenant insoutenable, un contrat de retour à l’équilibre avec des sacrifices majeurs a été imposé et accepté en 2015, au prix de sacrifices énormes de la part de tous les soignants. Deux ans après, force est de constater que la situation ne s’est pas améliorée, que les conditions de travail se sont franchement dégradées, que l’investissement est au point mort et que le déficit reste de près de 60 millions d’euros en 2016 », regrettait-il dans une interview accordée à La Provence.
La santé oui, mais pas dans mon arrière-cour
Or dans ce contexte, « la complémentarité du secteur public et du secteur privé est une nécessité qui offre aux patients les meilleures garanties d’une prise en charge de qualité », comme l’explique Pierre Godeau, membre de l’Académie nationale de médecine.
Largement partagé par les experts, cet avis n’est d’ailleurs pas remis en question par les opposants au projet marseillais. Ces derniers s’inquiètent surtout de « la vie de plusieurs quartiers villageois ou résidentiels de Marseille situés dans les 4ème, 5ème, 12ème et 11ème arrondissements ». Attachés à un « magnifique terrain en friche de 20 000 m2 », ils craignent les nuisances sonores, la pollution, l’augmentation de la circulation ou encore la « dévalorisation du quartier et de tous les habitants » (sic).
Ainsi, ils ne semblent pas être contre la mise à la disposition des Marseillais d’un centre hospitalier majeur, mais contre l’idée que cela se fasse sur un terrain voisin. Autrement dit, la santé et l’intérêt général oui, mais « pas dans mon arrière-cour » (Not In My BackYard, NIMBY) selon la formule désormais utilisée pour décrire celles et ceux qui souhaitent tirer profit des avantages d’une infrastructure nouvelle tout en refusant les « nuisances » liées à son installation.
Santé, environnement, circulation, paysage
L’Hôpital Privé Marseille (HPM), qui permettrait de regrouper les hôpitaux privés Beauregard et Vert Coteau, repose pourtant sur quatre caractéristiques principales. La santé bien sûr, avec la création d’une offre de soins spécialisés de proximité. L’environnement, avec la limitation des impacts « par le choix d’un site précédemment urbanisé et abandonné, permettant une revalorisation du patrimoine foncier ». La circulation, grâce à « une desserte remarquable du site par les transports en commun existants ». Et enfin, le paysage, grâce à la création d’un jardin ouvert au public et à la relocalisation d’un parking occupant actuellement un espace important du tissu urbain.
Le projet a par ailleurs fait l’objet d’une étude acoustique d’impact environnemental. Résultat de l’étude : « les niveaux de bruit ambiant ne sont pas significativement augmentés » par l’hôpital. « Aucun risque majeur n’a été identifié dans le périmètre du projet ».
Bref, les arguments des opposants semblent faibles (et même un peu égoïstes) face à l’urgence en matière d’accès aux soins et aux avantages que représenterait la construction de ce nouvel hôpital. Le nimbyisme aura-t-il raison de la santé des Marseillais ?