À la tête de l’entreprise de biotech Pharnext, Hugo Brugière se veut confiant sur le potentiel qu’elle recèle avec la fin des essais cliniques d’un médicament luttant contre la maladie de Charcot-Marie-Tooth de type 1A dont les résultats seront publiés d’ici la fin de l’année.
La société biopharmaceutique Pharnext développe de nouveaux traitements innovants pour des maladies orphelines. Comment êtes-vous arrivé à sa tête ?
Pharnext est arrivé dans notre portefeuille à travers une autre société, Néovacs, que nous avons repris au tribunal de commerce de Paris en 2020 en déposant un plan de continuation. À l’époque, Néovacs avait une dette de 20 millions d’euros. Nous avons renégocié la dette, nous avons effacé une partie de cette dette, puis nous avons restructuré l’entreprise. Avec notre partenaire financier Alpha Blue Ocean (ABO), nous avons mis en place des moyens de financement en obligations convertibles. Cela nous a permis de lever environ 80 millions d’euros sur 18 mois.
À ce moment-là, nous avons décidé de lancer deux programmes. Le premier : financer le business historique et traditionnel de cette entreprise, Néovacs menant une activité de recherche sur des vaccins contre des maladies auto-immunes. Le deuxième : investir dans d’autres sociétés de biotech et medtech, cotées ou non cotées, que nous estimons être des sociétés d’avenir. Nous avons alors créé un comité d’investissements financiers et un comité scientifique afin d’étudier un certain nombre de dossiers, généralement des sociétés en très forte croissance ou des sociétés en difficulté. C’est ainsi que nous avons investi dans Pharnext. Nous avons découvert cette société à l’été 2022, elle était en grande difficulté financière mais son potentiel nous a semblé extrêmement intéressant. Elle était dans un cas de figure classique, très endettée, situation courante dans le secteur des biotech. Ces entreprises consomment 100, 150 voire 200 millions d’euros pour développer un médicament et parfois, l’actionnaire se retrouve au bout de ses capacités de financement. C’était le cas de Pharnext qui conduisait son deuxième essai clinique de Phase 3 sans que plus aucun actionnaire ne soit capable d’assurer son financement.
Quel sont la spécialité et les spécificités de cette entreprise ?
Pharnext poursuit le développement d’un candidat-médicament, le PXT3003, en traitement de la maladie de Charcot-Marie-Tooth de type 1A, une neuropathie périphérique héréditaire, rare, sévère, chronique, progressive et invalidante.
Au cours des dernières années, très peu de biotech françaises ont réussi leurs essais cliniques et mis un produit sur le marché. Elles sont pourtant nombreuses car la France encourage la recherche médicale et favorise les capacités d’amorçage pour financer le début des essais cliniques. Mais 80% des biotech françaises qui réussissent sont reprises avant la fin de leurs programmes cliniques par les Américains, et parfois les Chinois. Tout cela parce que nous n’avons pas, en France, un écosystème financier capable d’absorber des coûts de développement à 100 ou 150 millions par programme. Trop souvent, les fonds de taille moyenne peuvent mobiliser 30, 40 voire 50 millions, mais rarement plus.
Dans le cas de Pharnext, l’équipe précédente était parvenue à financer les 150 premiers millions. Mais quand la FDA (l’agence américaine du médicament) a recommandé de conduire un deuxième essai de Phase 3 parce que le premier essai ne lui semblait pas suffisamment robuste, elle n’avait plus les ressources pour le financer, soit encore près de 100 millions. Les biotech françaises capables de mettre au point un médicament et de le lancer sur le marché avec uniquement des capitaux français sont rares : cinq ont réussi au cours des dix dernières années.
Que va-t-il se passer pour vous dans les 6 mois à venir ?
Le 24 août dernier, nous avons annoncé la fin de notre essai clinique. Aller au bout de cette deuxième étude de Phase 3 est un grand succès pour Pharnext. Désormais, nous visons deux étapes. La première sera d’annoncer comme prévu les premiers résultats de l’étude au 4ème trimestre 2023. La seconde consiste à signer un contrat de licence pour exploiter notre produit, le PXT3003. Nous y travaillons activement afin de signer ces contrats dans les meilleurs délais. Ils nous permettront de licencier le produit et de rendre sa commercialisation possible dans plusieurs zone géographique, en Europe, aux États-Unis et ailleurs.
Nous sommes confiants. Je crois fortement au projet de Pharnext parce qu’il s’agit de son deuxième essai de Phase 3. La première Phase 3 avait réussi, ses résultats étaient bons même si le bras de la dose élevée a été interrompu prématurément à cause d’un problème de formulation du produit. Les autorités sanitaires européennes et américaines ont jugé que le nombre élevé de données manquantes à cette dose élevée ne permettait pas de tirer des conclusions robustes de cette première étude. Un deuxième essai de Phase 3 a donc été conduit pour générer un nombre suffisant de données de patients, et satisfaire la FDA. Aujourd’hui, certains patients reçoivent le produit depuis plus de 6 ans, sans effet secondaire majeur démontré. Notre candidat médicament – le seul actuellement en phase clinique dans la maladie de Charcot-Marie-Tooth de type 1A – est très encourageant : nous avons aujourd’hui des patients dont la maladie neurodégénérative a cessé de progresser et, dans le meilleur des cas, certains ont même vu la maladie régresser.
En quoi l’aval de la FDA et l’accès au marché américain sont-ils essentiels pour vous ?
Je vais vous donner un ordre de grandeur : selon notre estimation, le marché du PXT3003 représente 400 millions d’euros par an dans le monde, dont 250 millions aux États-Unis. Le marché américain est donc essentiel et nous ne mettrons pas notre médicament sur le marché sans avoir la certitude d’avoir accès au marché américain. Nous avons des discussions aussi bien avec l’EMA (l’Agence européenne du médicament) qu’avec la FDA. Il faut garder les pieds sur terre, mais je crois que nous sommes à l’aube de réussir un pari stratosphérique. Cela démontrera que notre programme d’OCABSA (obligations convertibles et bons de souscription d’actions) peut être une excellente solution pour éviter notamment que les sociétés déposent le bilan – et nous l’avons déjà démontré avec Cybergun – à une échelle encore plus large.