Par René Dutrey.
Alors que la mairie de Paris vient de présenter lors de son dernier conseil son plan antipollution, nous, élus écologistes, rappelons avec force la responsabilité du diesel dans la pollution atmosphérique et l’urgence qu’il y a à agir à tous niveaux pour sortir de cette industrie mortifère.
Depuis trente ans, les constructeurs automobiles français ont fait de la technologie diesel un axe majeur de leur stratégie industrielle et commerciale, et cela avec le soutien de l’Etat. Les niches fiscales favorisant cette motorisation se sont multipliées : moindre taxation du gazole par rapport à l’essence ; défiscalisation des véhicules diesel pour les entreprises ; bonus-malus assis sur les émissions de CO2 pour les particuliers.
Ce faisant, de plus en plus d’automobilistes ont été convaincus, à tort, des vertus du « rouler diesel » comme le démontre la dernière enquête de 60 Millions de consommateurs, rendant le parc automobile français le plus « diésélisé » du monde.
Le « roi diesel » est aujourd’hui bien nu… En classant en juin dernier les particules émises par les moteurs diesel comme « cancérogènes certains », l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a fait que confirmer de très nombreuses études, dont les plus récentes chiffraient à 42 000 par an le nombre de morts prématurés liés à l’inhalation de ces particules et à 6 et 7,5 mois la perte moyenne d’espérance de vie des citadins français selon la ville.
Asthmes, bronchiolites, maladies cardio-vasculaires et respiratoires, le tribut payé aux particules fines émises par les véhicules diesel est lourd et désormais connu de tous.
Ce scandale sanitaire, comparable à celui de l’amiante, conduit en plus les constructeurs et l’Etat français droit vers un crash industriel que pourraient payer au prix fort leurs salariés. Car cette « succes story » du diesel en France, construite sur le déni de la pollution, fait figure aujourd’hui de double peine écologique et économique.
Cette situation ne peut durer. Il est temps de voir la réalité en face : parents d’enfants asthmatiques, habitants des agglomérations respirant un air toxique, automobilistes contraints à un usage quotidien de l’automobile, salariés de l’automobile menacés de perdre leur emploi, contribuables floués par des cadeaux fiscaux accordés à une technologie éminemment polluante, nous sommes aujourd’hui toutes et tous, à un titre ou un autre, victimes des nuisances du diesel.
Près de deux millions de Franciliens sont exposés chaque jour à des niveaux de concentration de particules fines dans l’air dangereux pour la santé. En tant qu’élus de l’agglomération parisienne, l’augmentation des pics de pollution ne peut nous laisser indifférents. Coupable de non-respect des normes de qualité de l’air et d’inertie dont il témoigne dans la lutte contre la pollution atmosphérique, particulièrement celle liée aux particules fines, l’Etat français fera bientôt l’objet d’une lourde condamnation par la Cour de justice européenne.
Il est temps d’enclencher un changement radical des politiques publiques et d’apporter des solutions réellement efficaces, tant à la crise sanitaire générée par l’air pollué, qu’à la crise économique qu’affronte aujourd’hui l’industrie automobile.
Le dispositif Zapa (Zones d’actions prioritaires pour l’air) lancé par le précédent gouvernement n’était qu’une réponse imparfaite à la gravité de la situation, ayant surtout vocation à différer l’application de l’amende européenne. Injuste socialement et insuffisant pour améliorer profondément la qualité de l’air, ce dispositif conduisait à une impasse, dénoncée par l’ensemble des collectivités candidates à l’expérimentation.
Si le nouveau gouvernement semble disposé à lutter vraiment contre la pollution de l’air, nous demeurons à ce stade dans l’expectative. Car aucune des mesures actuellement annoncées pour lutter contre la pollution aux particules fines, si nécessaires et si contraignantes soient-elles, ne seront à elles seules efficaces si n’est pas simultanément engagée la « dédiésélisation » du parc automobile français.
Les collectivités locales ont besoin de ce signal fort pour pouvoir agir efficacement contre la pollution de l’air. Sans quoi les actions que nous voulons mettre en œuvre ne pourront être que partielles et limitées dans leurs effets, et ne pourront être acceptées par toute une partie de la population pour qui l’automobile devient chaque jour une contrainte plus lourde.
Le message et l’action de l’Etat doivent désormais être suffisamment clairs et forts pour que chacun comprenne que l’avenir de la voiture ne passe pas par le diesel. Pour cela, l’Etat doit prendre des mesures courageuses : supprimer les aides à la diésélisation du parc automobile ; réorienter le système du bonus-malus en intégrant les émissions de particules fines ; dédiéseliser le parc roulant public, comme celui des grands opérateurs sous contrôle de l’Etat (RATP par exemple) ; conditionner toute aide publique à l’industrie automobile à une réorientation avérée de la politique industrielle vers des véhicules sobres et efficaces ; s’orienter vers la neutralité fiscale sur les carburants.
Ce signal politique sera aussi celui du nécessaire changement de perspective pour l’automobile et la mobilité. Sortir de la crise, c’est, pour l’industrie automobile, sortir du diesel et s’orienter d’urgence vers la production de véhicules réellement moins gourmands et moins polluants.
Sortir de la crise, c’est aussi reconsidérer la mobilité et développer de nouvelles offres de transports, vecteurs d’emploi et garants de la sérénité des usagers. Sortir de la crise de l’automobile, c’est concilier droit à la mobilité et droit à respirer un air sain.
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