Alors que le gouvernement paraît déterminé à faire baisser drastiquement le nombre de cancers en France (382 000 par an), il pourrait lorgner sur le levier fiscal, afin de taxer davantage les cigarettes électroniques, en particulier la solution IQOS, dont plusieurs spécialistes estiment qu’elle peut augmenter, à terme, les risques de cancer.
« Réduire de 60 000 par an le nombre de cancers évitables à horizon 2040 ». Voilà l’objectif affirmé par le Premier ministre français, Jean Castex, début juillet 2021, en présentation du plan gouvernemental 2021-2030 visant à lutter contre le fléau, qui touche chaque année 382 000 personnes en France – dont plus de la moitié (157 500) en meurt. Sur l’ensemble des cas de cancer, on estime qu’environ 153 000 par an pourraient être évités, raison pour laquelle l’exécutif souhaite mettre l’accent sur la lutte contre le tabac, « premier facteur de risque de cancer » et responsable de 45 000 morts par an, selon le gouvernement.
« Prix de vente »
Parmi les mesures phares du plan, certaines risquent de ne pas plaire aux fumeurs invétérés, comme la hausse du prix du paquet de cigarettes, qui devrait être actionnée selon toute vraisemblance. « Le prix de vente de tous les produits du tabac devra converger vers les prix les plus hauts, pratiqués par les pays les plus avancés sur ce sujet (Australie, Royaume-Uni, Irlande) », annonce d’emblée le plan. Le gouvernement misant sans doute sur cet «épouvantail» pour décourager les plus jeunes d’acheter leurs premiers paquets. Une mesure qui a déjà prouvé son efficacité, le nombre de fumeurs ayant diminué, entre 2016 et 2018, d’1,6 million, grâce à la lutte anti-tabac menée par les pouvoirs publics.
Ces derniers devraient-ils intégrer la cigarette électronique (ou e-cigarette) dans leur plan de lutte contre le tabac ? Sans trop de mystère, tandis que les géants industriels (tels Philip Morris International, British American Tobacco, etc.) vantent les « bienfaits » de leurs produits, plusieurs professeurs et spécialistes de santé publique sont vent debout contre la vapote. Et un appareil en particulier : IQOS, un « produit du tabac à risque modifié », selon les autorités de santé américaines, réputé « chauffer » le tabac au lieu de le « brûler ». Une aubaine pour détourner les gens de la cigarette et les éloigner d’un risque cancéreux ?
Foutaises, selon le professeur Daniel Thomas, vice-président du Comité national contre le tabagisme et porte-parole de la Société francophone de tabacologie : « Ce produit est présenté comme un produit de moindre risque alors que nous n’en avons aucune preuve et que ce n’est pas exactement ce que dit la Food and drug administration » américaine, estime-t-il. Sans compter que la solution IQOS n’est pas une cigarette électronique comme les autres, puisqu’elle contient du tabac. Chauffé, certes, mais qui peut tout de même « entraîner des complications cardiovasculaires et augmenter, à long terme, le risque de cancer », explique le professeur Thomas.
Taxation à la même hauteur que les cigarettes traditionnelles ?
Les défenseurs de la vapote clament que la nicotine, en soi, n’est pas cancérogène, et qu’il n’y a aucun mal à s’en « griller une » ? Pascal Diethelm, vice-président du Comité national contre le tabagisme, tempère un peu le propos : « La nicotine n’est pas quelque chose d’anodin, c’est un toxique, rappelait-il sur la chaine de télévision Public Sénat fin mai 2021. A la base, c’est l’insecticide que la plante de tabac produit pour se protéger contre les insectes, et c’est un produit toxique qui est responsable de l’addiction. Dans la cigarette fumée, la nicotine a simplement comme effet de maintenir les personnes dans l’addiction et créer cet effet cumulatif des autres produits toxiques qui débouchent sur des maladies ».
Autrement dit, les industriels du tabac nous enfumeraient constamment en cherchant à nous démontrer que leurs produits électroniques sont inoffensifs. Un lobbying, pur et simple, pointé du doigt par de nombreux députés européens, comme Michèle Rivasi (Europe Écologie-les Verts), sur Public Sénat, en mai 2021. S’il est difficile de mettre un terme à ces manœuvres, inévitables pour que les grands groupes, effrayés par les mesures anti-tabac prises à l’échelle mondiale, se maintiennent à flots, il est en revanche possible d’agir autrement pour limiter la consommation de tabac vapoté : à travers la taxation.
En mettant sur un pied d’égalité fiscale cigarettes « traditionnelles » et e-cigarettes, le gouvernement, visiblement déterminé à faire diminuer le nombre de cancers en France, ajouterait ainsi de l’eau à son propre moulin. Car aujourd’hui, si la cigarette électronique supporte une TVA à 20 %, comme la première, elle n’est pas soumise aux droits de consommation sur les tabacs (64,7 % du prix de vente d’un paquet !). Une légère contradiction, pour certains, aux effets potentiellement néfastes, puisque rien n’indique que les nouveaux produits du tabac sont, comme l’indiquent volontiers les multinationales, absolument sains.