L’une des principales entreprises de cigarettes électroniques, Juul, a annoncé mardi 5 mai 2020 qu’elle mettait fin à ses activités dans la plupart des pays européens, dont la France, et qu’elle licenciait un tiers de ses effectifs.
Des inquiétudes toujours persistantes sur la cigarette électronique
L’annonce a fait l’effet d’une bombe chez tous les acteurs du tabac et de la cigarette électronique, Juul pesant jusqu’à 70% du marché des cigarettes électroniques. C’est pour cette raison que le numéro 1 mondial du tabac, Altria, propriétaire de Marlboro (Philip Morris) avait, en décembre 2018, acheté 35% des parts de Juul pour un montant record de 14 milliards d’euros. Un tel mouvement témoigne d’ailleurs de l’intérêt très marqué de l’industrie du tabac pour la cigarette électronique et des liens pouvant ponctuellement exister entre eux, ce qu’ont cependant toujours nié les acteurs du secteur, comme l’association AIDUCE ou le site spécialisé Vaping Post.
Le vapotage consiste à inhaler des vapeurs créées par le chauffage à haute température d’un liquide à l’intérieur de la cigarette électronique. La plupart du temps, ces liquides contiennent de la nicotine.
Malgré une stratégie marketing offensive et pour le moins efficace, la prétendue moindre dangerosité de la cigarette électronique est aujourd’hui largement discutée par les organisations de santé et la littérature scientifique. Le 26 juillet 2019, dans un rapport présenté au Brésil, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirmait ainsi que les cigarettes électroniques demeuraient « incontestablement nocives ». L’OMS relevait en effet que leur utilisation méritait d’être régulée, et en déconseillait l’usage dans le cadre d’un sevrage tabagique. Sur ce sujet hautement technique, et en l’absence de preuve fiable d’une moindre dangerosité, l’OMS continue de privilégier le principe de précaution en affirmant que « bien que le niveau de risque associé aux SEAN (systèmes électroniques d’administration de nicotine) n’a pas été mesuré de manière concluante, les SEAN sont incontestablement nocifs et devront être régulés ». Une mise en garde à la temporalité judicieuse, car, quelques semaines plus tard, plusieurs cas de maladies pulmonaires sévères associés au vapotage étaient recensés par les autorités sanitaires américaines. Une étude de très long-terme publiée en décembre 2019 dans le American Journal of Preventine Medicine, menée auprès de 32 000 Américains, a d’ailleurs conclu en décembre 2019 que les utilisateurs de cigarette électronique étaient 3 fois plus susceptibles de contracter une maladie pulmonaire chronique, comme une BPCO ou une bronchite.
Juul, toujours l’objet de controverses
Juul a toujours été dans le collimateur des autorités sanitaires, car ses stratégies marketing, notamment à travers le packaging des produits ou des saveurs proposées, sont accusées de viser les adolescents. Israël avait été précurseur en interdisant la commercialisation des produits Juul sur son territoire en septembre 2019. Le positionnement de Juul sur le très stratégique marché européen a d’ailleurs suscité des prises de position indignées, dans un contexte où Altria et Philip Morris annonçaient leur remariage. Une image que l’entreprise de San Francisco souhaite absolument éviter, tant elle aurait définitivement étiqueté la cigarette électronique comme un produit lié aux industriels. L’annonce du départ de plusieurs pays européens de Juul témoigne de la réussite de la mobilisation des associations antitabacs. Mais ce retrait du marché européen peut sembler anecdotique, tant le secteur des cigarettes électroniques demeure porteur sur le continent. Face aux risques associés au tabac chauffé et à la cigarette électronique, les associations antitabac aspirent à une transformation profonde du paysage législatif et réglementaire avec, en perspective, la révision de la Directive Tabac à Bruxelles. Certains poussent pour que les cigarettes électroniques et le tabac chauffé se voient appliquer la même législation et la même fiscalité que les cigarettes traditionnelles, au vu de la dangerosité supposée des produits. De même, ils réclament aussi la mise en œuvre d’un mécanisme préalable d’autorisation de mise sur le marché.
Sachant que des dizaines d’années ont été nécessaires pour contredire les études sur les méfaits du tabac, parfois publiées par d’authentiques scientifiques mais financées par les industriels, le principe de précaution s’impose pour éviter de potentiels victimes de la cigarette électronique et du tabac à chauffer, passant notamment par une réglementation plus poussée et une harmonisation fiscale avec le tabac classique. Et les récentes études scientifiques, récemment publiées sur de potentielles affections graves liées à ce type de produit, peut conduire à une prudence encore plus poussée.
Cigarettes électroniques et tabac chauffé sont deux produits différents répondant à des classifications différentes. Pour compenser la baisse de consommation des cigarettes traditionnelles dans les grands pays industrialisés, les cigarettiers ont développé un produit nouveau d’apparence analogue aux cigarettes électroniques, le tabac chauffé, vendu sous les noms de Iqos pour Philip Morris International, Ploom pour Japan Tobacco International, ou Glo pour British American Tobacco. Mais attention, cigarettes électroniques et tabac chauffé ne répondent pas à la même classification. L’OMS classe les produits du tabac chauffé dans la catégorie « produits du tabac ». Pour autant, alors qu’elle pourrait sembler logique, tabac chauffé et cigarettes classiques ne sont toujours pas régis par la même réglementation en matière marketing, d’avertissements sanitaires, ou encore fiscale.