En cas d’apparition d’un nouveau variant africain plus virulent, la réticence généralisée à la vaccination des populations subsaharienne pourrait créer une 4e vague désastreuse. Pour éviter cela, certains pays comme la Côte d’Ivoire ont décidé de s’attaquer à la racine du mal : la désinformation.
« On nous a dit que le vaccin contre la COVID-19 a été fabriqué par les Occidentaux pour tuer les Africains, car la pandémie n’a pas suffisamment atteint l’Afrique ». En substance, c’est ce genre de rumeurs qui plombent la vaccination d’une grande partie des pays d’Afrique subsaharienne. Sur le continent, à peine 4,5 % de la population est vaccinée et la tradition d’oralité dans la région rend le combat plus difficile. « Monsieur Rumeur finira par enterrer l’Afrique », avertissait Smarty, un rappeur burkinabè, en mars 2020 concernant les fake news sur le Covid qui pullulaient dans la région. Cependant, des solutions existent pour lutter contre le fléau de la rumeur et certaines réussites, comme celle de la Côte d’Ivoire, pourraient être des exemples pour l’Afrique, à en croire la Banque mondiale.
La Côte d’Ivoire, un modèle de lutte contre les mouvements « antivax »
Dès la mi-avril 2021, le nouveau ministre de la Santé d’Alassane Ouattara, Pierre Dimba, a pris le taureau par les cornes. Un mois après le lancement de la campagne de vaccination fin février, les 504 000 doses d’AstraZeneca n’avaient pas vraiment trouvé preneur si bien que seulement 40 153 doses avaient été inoculées. Dans une société où les informations « sous le manteau » sont plus puissantes et se répandent plus rapidement que les appels des autorités, le nouveau ministre avait décidé de remédier au problème en mobilisant des relais au sein de la société civile (influenceurs, guides religieux et leaders communautaires) afin de combattre la réticence constatée également fin 2020 par des chercheurs de l’Université Johns-Hopkins.
Cette stratégie gouvernementale a eu pour effet de faire exploser la demande de vaccins, comme le soulignait le docteur Adèle Telly, chef d’un centre de vaccination à Abidjan début septembre : « notre centre est pris d’assaut dès le matin et nous vaccinons au moins 300 personnes par jour ». Selon la Banque mondiale, cela a érigé « la Côte d’Ivoire en modèle international de réussite de gestion des mouvements antivax ». Le pays est ainsi passé de 2 000 personnes vaccinées par jour à plus de 20 000 en quatre semaines, provoquant une pénurie désormais résolue par les livraisons de plus d’un million de doses. La Côte d’ivoire souhaite vacciner toutes les personnes « jugées les plus exposées » : fonctionnaires des administrations essentielles, employés de l’industrie des services et les plus fragiles (60+ et comorbidités).
Le fléau de la rumeur fait craindre une 4e vague meurtrière
Dans nombre de pays d’Afrique, sans réponse gouvernementale, la vaccination semble quasiment inexistante. « C’est un énorme problème, il est inacceptable que seulement 1 % (4,5% depuis NDLR) de la population africaine soit vaccinée. Cela doit changer et nous devons faire beaucoup plus », déclarait à ce propos le numéro 2 de la Banque mondiale, Axel van Trotsenburg, en juillet dernier.
Dans beaucoup de pays africains, la gestion des rumeurs reste compliquée. Ainsi au Gabon, début avril, une poignée de femmes seulement (quelques centaines) s’étaient portées volontaires pour se faire vacciner à cause d’une rumeur d’effets prétendument néfastes liés au produit injecté. En République Démocratique du Congo, un mouvement de panique a même été observé par des journalistes en tournage au Sud-Kivu en mars 2021 : on y voit des enfants en pleurs fuir leur école pour retrouver leurs parents apeurés aux grilles, venus là pour empêcher leur progéniture de se faire « vacciner de force ». Pire, en Tanzanie, les rumeurs et autres infox provenaient directement du président, feu John Magufuli, qui qualifiait les injections de « dangereuses pour la santé », et préconisait en janvier 2021 le recours à des remèdes traditionnels à base de plantes de « bain de soleil » ou de « feuilles de neem »…
Si l’Afrique, grâce à son expérience de gestion épidémique, à su pour l’instant limiter le nombre de morts à 210 000 sur tout le continent, la perspective de devoir vivre avec le coronavirus pourrait inciter la plupart des gouvernements à suivre l’exemple ivoirien dans les prochains mois.