Peut-on donner une réponse scientifique au débat historique et philosophique de savoir s’il convient apporter du bonheur aux autres et en bénéficier ou plutôt rechercher le bonheur personnel ? Il semblerait que oui si on en croit une nouvelle étude scientifique qui a tenté de rapprocher l’effet de ces deux philosophies de vie sur nos gènes et notre santé. Et c’est l’altruisme, ou eudémonisme, qui l’emporte.
Hédonisme contre eudémonisme : quelles différences ?
Le débat qui tente de trancher laquelle de ces deux philosophie de vie est celle à adopter peut-être retracée jusqu’à la Grèce antique où ces deux courants de pensée sont nés et, surtout, se sont combattus assez férocement au travers d’écoles de pensée complètement opposées. Si on ne va pas faire un cours de philosophie ici, il convient de bien faire la différence fondamentale entre les deux courants.
L’hédonisme, qui caractérise la pensée des Cyrénaïques et la mauvaise interprétation du « Carpe Diem » (« profite de l’instant présent » en grec) d’Epicure, consiste à consacrer sa vie à la recherche du bonheur personnel. Plus ou moins extrême selon les personnes, l’hédonisme se concentre sur soi, sur ses propres désirs et ses propres limites. Une sorte d’égoïsme, pour faire court.
L’eudémonisme, appelé aujourd’hui altruisme, au contraire, se concentre sur l’autre qui devient alors la source de notre propre bonheur. Les grands philosophes grecs ont souvent prôné cette philosophie dans une optique de recherche d’un bonheur global qui a, comme condition sinequanone, le bonheur des autres
Quel est l’effet de ces deux visions sur notre santé ?
La question peut paraître incongrue mais elle a bien été posée par des chercheurs américains menés par Barbara L. Fredrickson. Ils ont tenté de comprendre si ces deux types de bonheur ont des influences différentes sur notre organisme et il s’avère que oui. L’un est bon pour la santé, le second ne l’est pas.
Pour étudier la chose, ils ont étudié deux populations de personnes qu’ils ont divisées en hédonistes et eudémonistes selon les réponses qu’elles ont données à un questionnaire très pointu. Les chercheurs ont alors retenu 80 personnes, 40 pour chaque philosophie, desquelles ils ont prélevé des échantillons de sang.
De manière étonnante, les chercheurs ont ainsi pu remarquer qu’il y avait une réelle différence au niveau du système immunitaire chez les deux catégories de personnes, en particulier au niveau des gènes CTRA (Conserved Transcriptional Response to Adversity).
Des réponses immunitaires différentes selon la philosophie de vie
Chez les personnes de la catégorie des hédonistes, les chercheurs américains ont pu remarquer une suppression de certaines séquences CTRA ce qui entraîne une baisse de la réponse antivirale de l’organisme, les gènes CTRA gardant la mémoire des agressions externes qu’a subi le corps.
Au contraire, chez les personnes eudémonistes ou altruistes, les séquences CTRA sont réduites et donc plus performantes au niveau des réponses inflammatoires. De plus, la réponse antivirale semble renforcée et le système immunitaire est donc de manière générale plus efficace pour combattre les agressions externes.
Les chercheurs américains qui ont mené cette étude ont donc donné raison aux grands philosophes grecs qui ont toujours, pour la grande majorité, prôné une vision du bonheur qui implique de diffuser du bonheur auprès des autres. Les effets sur la santé sont réels et, si on continue dans cette lancée et qu’on y applique le principe « mens sana in corpore sano » (« un esprit sain dans un corps sain ») ces effets bénéfiques se font aussi sentir sur l’esprit.
En effet. Même si l”article dont vous parlez semble se concentrer sur la réponse immunitaire de l”organisme, dont l”efficacité est un signe d”une personne peu ou pas stressée, le courant de la “psychologie positive” a publié de nombreux articles sur la question de l”altruisme et du bonheur. En effet, les activités “égoistes” ou du moins dénuées d”altruisme n”ont aucun effet sur le bonheur, contrairement aux activités altruistes qui rendent plus heureux(se).