Sanofi a annoncé vendredi des négociations exclusives avec un fonds américain pour la cession de sa filiale Opella, qui fabrique le Doliprane. Ce projet inquiète l’Etat, soucieux de la souveraineté pharmaceutique et sanitaire nationale. Il pourrait bloquer cette cession, s’il n’obtenait pas de garanties strictes sur la production et les emplois.
Dans un bref communiqué publié le jeudi 10 octobre, le groupe pharmaceutique français Sanofi a confirmé être entré en négociations exclusives avec le fonds américain CD&R pour la cession de 50% du capital de sa filiale Opella, qui fabrique notamment le Doliprane. Le fonds américain aurait proposé 15 milliards d’euros pour cette transaction, selon le journal Les Échos.
Cette cession d’Opella soulève des préoccupations
Ce projet de vente d’Opella avait été annoncé il y a presque un an. A l’époque, Sanofi avait expliqué vouloir accélérer dans l’innovation et se positionner en champion de l’immunologie. Il avait aussi avancé la nécessité, pour sa filiale, de se concentrer sur sa stratégie de croissance dans son domaine, considéré plus proche d’une logique de consommation que de la pharmacie. Mais, depuis lors, cette éventuelle scission soulève des préoccupations concernant les emplois et l’avenir du Doliprane fabriqué à Lisieux (Calvados) et Compiègne (Oise).
Des risques de délocalisation de la production de Doliprane
Les salariés, qui avaient déjà fait grève, pointent principalement des risques de délocalisation de la production. Ces risques sont réels car, si CD&R ne prendra que 50% des parts d’Opella dans un premier temps, il finira par racheter tout le capital au bout de quelques années. Devenu majoritaire, rien ne l’empêchera de transférer la production aux Etats Unis. Il en sentira le besoin d’autant que la France ne représente que 8% des ventes de la société, contre 25% pour le pays de l’Oncle Sam.
Le Doliprane, une question de souveraineté sanitaire et pharmaceutique
Pour l’Etat français, il n’est pas question que le Doliprane passe entre les mains des Américains. La production de paracétamol sur le sol français est une question de souveraineté sanitaire et pharmaceutique. Emmanuel Macron l’avait indiqué lors d’une visite sur un site de fabrication du médicament de Sanofi au moment du Covid, lorsqu’il plaidait pour rapatrier la production française, notamment d’Asie. Le ministre de l’Économie, Antoine Armand, a réitéré cette volonté le dimanche 13 octobre sur BFMTV.
Antoine Armand sur le site de production à Lisieux ce lundi
« Mon engagement, c’est que le Doliprane continue à être produit en France », a déclaré le locataire de Bercy. Accompagné du ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, Antoine Armand s’est rendu ce lundi sur le site de production de Lisieux pour discuter avec les employés et leurs représentants des garanties qu’ils attendent des industriels. Il a imposé deux conditions essentielles pour approuver la vente d’Opella au fonds d’investissement CD&R.
Vers un blocage de la cession d’Opella ?
Antoine Armand veut qu’Opella continue d’approvisionner suffisamment la France en Doliprane et qu’elle maintienne les emplois de production sur le territoire. Ce médicament est le plus vendu en France. En 2022, Sanofi en a fabriqué 2,5 milliards. Un record absolu. Le géant pharmaceutique emploie près de 11 000 personnes dans 150 pays, dont plus de 300 en France. Faute de garanties de nature à rassurer sur le moyen terme, l’Etat pourrait bloquer la cession d’Opella. « Rien ne [me] paraît interdit au premier abord si ce n’est pas le cas », a déclaré Antoine Armand.
…au nom des intérêts nationaux
Pour rappel, la France a un droit de regard sur les investissements étrangers, et il est inscrit dans la loi Florange mise en place par Arnaud Montebourg. Mais, pour l’appliquer, l’État doit avancer des arguments, comme une menace des intérêts du pays ou la souveraineté pharmaceutique nationale. En 2021, Bruno Le Maire avait justement usé de ce droit, en menaçant de bloquer le rachat de Carrefour par le groupe de supermarché canadien Couche-Tard. Il avait invoqué un risque pour la souveraineté alimentaire en France.