Au cours des dernières décennies, des scientifiques et des experts de santé publique ont été de plus en plus concernés par les atteintes à la santé dues à l’exposition des enfants aux produits chimiques. Des inquiétudes motivées par le fait qu’on en sait plus aujourd’hui sur les effets liés à l’exposition à de faibles doses et pendant la période critique du développement foetal.
Une étude européenne a été effectuée en Hollande par Greenpeace et le WWF à la fois dans le sang maternel et dans le sang du cordon ombilical, faisant suite aux études antérieures du WWF sur la contamination du sang chez l’homme. Il faut, au passage, remarquer les difficultés d’une telle entreprise sur les plans technique (faible disponibilité des échantillons) et financier (environ 8 000 euros par échantillon).
L’étude conduite par Greenpeace et le WWF avait pour but de confirmer le passage des contaminants chimiques de la mère à l’enfant via le placenta. Des échantillons de sang de 42 mères volontaires et 27 échantillons de sang du cordon ombilical ont été obtenus à l’Hôpital Universitaire de Groningen (Hollande) avant d’être analysés.
Huit familles de substances chimiques ont été recherchées : muscs artificiels, alkylphénols (détergents), retardateurs de flamme bromés (TBBPA), composés perfluorés, phtalates, pesticides organochlorés, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP, trouvés notamment dans la fumée de cigarette) et triclosan (un antibactérien).
Parmi les plastifiants, le DEHP (une molécule de la famille des phtalates fréquemment utilisée) a été détecté dans 29 échantillons maternels et 24 échantillons de sang du cordon. Le musc artificiel le plus utilisé, le HHCB, est retrouvé dans tous les échantillons. Le musc ambrette qui est interdit d’usage dans les cosmétiques en Europe depuis 1995 est retrouvé dans 15 échantillons de sang maternel et dans 12 échantillons de sang du cordon. Parmi les alkylphénols, les nonylphénols éthoxylates, bien qu’interdits récemment en Europe, sont présents dans 12 échantillons de sang du cordon sur 17 analysés. C’est la première fois que ce produit est identifié dans le sang du cordon.
Cette étude montre aussi la présence de triclosan, un agent antibactérien, dans 50 % des échantillons analysés. Le DDE, métabolite du DDT est encore présent dans les échantillons de sang maternel et du cordon plus de 30 ans après l’interdiction de cette molécule. Il en est de même pour le HCB (un pesticide organochloré dont nous reparlerons) dont l’usage est aussi interdit depuis longtemps. Les composés perfluorés comme les PFOS et PFOA utilisés comme revêtements d’ustensiles de cuisine ou comme enduits de textiles imperméables ont été détectés dans tous les échantillons de sang maternel. Dans le sang du cordon les PFOS ont été détectés dans tous les échantillons, contre seulement dans la moitié pour les PFOA. Ces composés sont des perturbateurs endocriniens susceptibles d’induire des effets santé au cours de cette phase de division rapide cellulaire qu’est la vie intra-utérine.
Les études sur le cordon nous donnent des informations complémentaires de celles sur le sang rapportées précédemment. En général les fourchettes de contamination sont moins élevées pour le sang périphérique que de la population générale. Cela peut s’expliquer par le fait que le sang du cordon est mesuré chez des femmes enceintes, c’est-à-dire dans une population jeune. En revanche, le classement des substances par ordre d’importance est semblable à celui noté pour le sang de la population générale. On retrouve en premier lieu les phtalates, puis le groupe des organohalogénés (pesticides organochlorés, PCB, PBDE, composés perfluorés), et enfin le groupe des muscs et biocides (ici le triclosan à la place des parabènes).
La présence de mercure confirme bien le passage de ce toxique à travers la barrière placentaire et l’exposition du foetus. En ce qui concerne les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), leur présence confirme aussi l’exposition du foetus à cette famille de composés malgré leur aptitude à être métabolisés et leur faible pouvoir de bioaccumulation. Cependant la permanence de leur présence dans notre environnement (en particulier chez les fumeurs) explique cette présence dans le sang du cordon ombilical. On peut aussi noter la présence de dioxines à l’état d’ultra-traces, mais aussi de dioxines bromées (dioxines substituées par des bromes à la place des chlores) provenant en particulier de la combustion des PBDE.
Extrait de "Sang pour sang toxique" de Jean-François Narbonne