L’Afrique est le dernier continent à avoir éradiqué le virus responsable de la polio, une maladie très contagieuse aux séquelles irréversibles. Une victoire obtenue grâce à d’intenses campagnes de vaccination et aux efforts en matière d’accès à l’eau potable, qu’elle soit en bouteille ou du robinet.
Éclipsée par la recrudescence de la pandémie de Covid-19, la nouvelle a pu passer inaperçue ; elle n’en est pas moins historique : l’Afrique est désormais officiellement considérée par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) comme « exempte de poliovirus sauvage ». L’annonce marque, selon le chercheur invité de l’Institut Pasteur Francis Delpeyroux, s’exprimant dans les pages du quotidien La Croix, « un progrès certain ». Un progrès qui confirme, selon le virologue, « qu’il n’y a pas d’obstacle en termes scientifiques pour éliminer le virus, si les conditions sont réunies pour garantir une couverture vaccinale suffisante ».
Un virus qui se transmet majoritairement via l’eau souillée
« Il faut saluer l’énorme effort qui a été fait pour lutter contre le poliovirus », s’est quant à lui félicité Emmanuel Baron, de Médecins sans Frontières. L’éradication du virus de la polio sur le continent africain est le résultat de longs et coûteux efforts, mobilisant d’importants investissements de l’OMS, des autorités locales, des associations et ONG qui menaient, depuis la découverte d’un vaccin dans les années 1950, de vastes campagnes de vaccination sur le continent. Mais, en dépit des progrès réalisés, quelque 70 000 cas de poliovirus étaient toujours recensés en Afrique en 1996 — particulièrement au Nigeria.
Maladie infectieuse, très contagieuse et endémique avant que ne soit découvert un vaccin, la poliomyélite, causée par le « poliovirus sauvage », affecte surtout les enfants. Le virus, qui envahit le système nerveux, peut dans ses formes les plus graves entraîner d’irréversibles paralysies — des jambes, le plus souvent. Sa transmission, exclusivement interhumaine, s’opère majoritairement par voie féco-orale (en particulier par l’intermédiaire d’eau souillée ou d’aliments contaminés par les selles), les principales mesures de prévention passent donc en priorité par développement de l’hygiène. En sus des efforts de vaccination, l’accès à de l’eau potable de bonne qualité demeure donc un élément indispensable pour freiner, voire éradiquer, le virus responsable de la polio.
L’accès à l’eau potable, condition sine qua non de la fin du virus
Car le poliovirus se propageait bien, avant sa disparition d’Afrique, par les eaux usées. Or « aujourd’hui (dans le monde entier), près de deux milliards de personnes utilisent une source d’eau potable contaminée par des matières fécales, ce qui les expose au risque de contracter le choléra, la dysenterie (…), la typhoïde et la poliomyélite », rappelle dans le Figaro une responsable de l’OMS, selon qui « on estime que l’eau de boisson contaminée est à l’origine de plus de 500 000 décès par diarrhée chaque année et représente un facteur majeur dans la propagation de plusieurs maladies tropicales négligées ». Or dans les pays en développement, l’accès à des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement n’est « pas toujours sûr et fiable de façon continue », selon un rapport de l’ONU datant de 2015.
C’est hélas encore le cas dans les deux derniers pays au monde où subsiste le poliovirus, l’Afghanistan et le Pakistan. Dans l’un des principaux bidonvilles de Karachi, les habitants ne bénéficient ainsi que d’un accès très limité à l’eau potable, et ce alors que « l’arrivée d’eau, souvent contaminée par les égouts, peut contenir des pathogènes qui provoquent des maladies multiples, telles que l’hépatite A (…) et la polio », rappelle ce site du Rotary. Au printemps 2019, une nouvelle unité de filtration d’eau était d’ailleurs venue soulager la population locale — une avancée qui, en complément du recours, ici indispensable, à l’eau en bouteille, constitue une première étape pour enrayer la propagation du poliovirus.
« Une formidable victoire »
L’amélioration de l’accès à l’eau potable, qu’elle provienne du robinet ou qu’elle soit embouteillée représente donc avec les campagnes de vaccination un enjeu majeur pour les populations des pays encore concernés par ce virus. « Grâce aux efforts déployés par les gouvernements, le personnel soignant et les communautés, plus de 1,8 million d’enfants ont été sauvés » de la polio, s’est félicité l’OMS dans un communiqué publié fin août. « C’est une formidable victoire, une délivrance », s’est quant à lui réjoui le Dr Tunji Funsho, du comité Polio Nigeria de l’association Rotary International, qui reste cependant prudent, affirmant ne « dormir toujours que d’un œil » tant que des transmissions en provenance d’Afghanistan et du Pakistan resteront possibles.