Les Français continuent de nourrir une profonde méfiance à l’égard des médicaments génériques. C’est pourtant l’industrie du médicament dans son ensemble qui est menacée, princeps et génériques confondus. Les acteurs de l’industrie s’organisent pour remédier aux pénuries récurrentes et à l’absence de standards internationaux concernant la qualité des matières premières.
Le générique, la bête noire des Français
Les génériques inspirent la méfiance des Français et sont toujours mal acceptés par les prescripteurs et les consommateurs qui leur préfèrent les médicaments princeps. Une méfiance alimentée par des campagnes de désinformation dénigrant les biosimilaires, ce qu’a déploré l’IGAS dans son rapport datant de 2012. En réalité, entre princeps et génériques la différence n’est que juridique.
Les génériques sont seulement des copies des médicaments princeps dont le brevet a expiré. Les propriétés thérapeutiques sont les mêmes du fait d’une composition qualitative et quantitative en principe actif et d’une forme pharmaceutique strictement identiques. Les deux bénéficient des mêmes exigences en termes de contrôle et de surveillance.
De fait, s’il y a des problèmes liés à l’industrie du médicament (rupture d’approvisionnement, déficit de qualité), ils ne sont pas spécifiquement liés aux médicaments génériques. L’académie nationale du médicament et avant elle l’IGAS et les industriels, se sont prononcés en faveur en faveur d’une meilleure transparence et d’une meilleure traçabilité des matières premières pour l’ensemble des médicaments quel que soit leur statut.
La délocalisation de la production, le véritable fléau de l’industrie
Parce que la pression sur les prix des médicaments est trop forte, en particulier pour les molécules génériques, les industriels ont dû trouver des solutions pour baisser les coûts de fabrication qui passaient en partie par l’approvisionnement en matières premières.
D’autant que la politique française en la matière n’est guère accommodante. La LFSS rectificative de 2012 a mis en place un plan de 290 millions d'euros de baisses de prix sur les génériques. Ce plan a été prolongé fin 2012 par le Comité économique des produits de santé (CEPS) qui a voulu faire converger les prix des médicaments vers des niveaux européens.
La production des matières premières dans des pays tiers comme l’Inde ou la Chine concerne plus de 80 % des substances actives. Or les normes de bonnes pratiques de fabrication ne sont pas harmonisées dans le monde. Cet éloignement et la multiplication des acteurs intervenant dans le processus de fabrication rendent impossible une surveillance au quotidien des sites fabricants. L’importation en Europe de matières premières provenant des pays tiers nécessite donc de renforcer les dispositifs de vérification de la qualité.
Différents dispositifs de vérifications sont en marche
L’Europe a déjà commencé à mettre en route des mécanismes visant à vérifier la conformité de ces matières premières avec les standards de qualité européens. Le 1er juillet 2011, une directive européenne prévoyait l’établissement d’une liste de pays tiers « équivalents » et stipulait que les approvisionnement dans les pays non listés devraient être particulièrement surveillés et contrôlés.
Les différents acteurs du secteur pharmaceutique sont tombés d’accord pour améliorer la traçabilité des matières premières. EN 2012, le Comité stratégique des industries de santé a proposé d’apposer sur les boîtes des médicaments l’origine du principe actif et/ou du site de fabrication du médicament. L’Académie nationale de pharmacie a publié un rapport en mars 2013 dans lequel elle identifiait les causes des pénuries et préconisait diverses solutions pour y remédier.
De leur coté, les industriels du médicament s’organisent pour être mieux à même de détecter d’éventuelles irrégularités via le renforcement des contrôles in situ en réalisant des audits dans les pays tiers ; le contrôle des matières premières à la réception pour déceler les éventuelles non-conformités avant le lancement de la fabrication ; et la multiplication des sources d’approvisionnement en Europe y compris pour éviter les pénuries. Pour les principes actifs, une obligation d’audit des fournisseurs par les laboratoires fabricants des médicaments va se généraliser.
Au delà du contrôle, encourager la relocalisation
Mais renforcer les dispositifs de contrôle ne suffit pas. Il est nécessaire de relocaliser la production de certaines substances actives et de certains médicaments essentiels à la santé publique en Europe. C’est l’un des moyens incontournables pour restaurer la confiance des prescripteurs et des consommateurs à l’égard des médicaments, en particulier à l’égard des médicaments génériques.
A cet égard, engager une nouvelle baisse sur les prix des médicaments génériques, l'une des solutions envisagée pour le moment, n’apparaît pas comme la solution idéale dans le sens où cela va mécaniquement conduire à une fragilisation supplémentaire du tissu industriel pharmaceutique – alors que certains fabricants rencontrent déjà de sérieux problèmes de rentabilité – ainsi qu’à une dégradation de la confiance.