A l'automne 2012, certains parlementaires évoquaient la possibilité de créer une commission parlementaire spécifique aux hôpitaux contaminés par les emprunts toxiques. Aujourd'hui, on ne voit toujours rien venir. La situation des hôpitaux ne s'est pourtant pas améliorée. Elle reste critique pour un certain nombre, plus grave souvent que pour les collectivités territoriales. Car les établissements de soins ne peuvent pas jouer sur la fiscalité.
Le niveau de rémunération du personnel ou le nombre et la qualité des soins restent les seules variables d'ajustement. Pourtant, s'il est un secteur où les questions d'ordre moral doivent se poser avant toute considération financière, c'est bien celui qui concerne la vie et la santé des citoyens. Penser que des structures de soins doivent arbitrer entre les dépenses pour rembourser des banques qui jouent des milliards sur les marchés semble aberrant. Frédéric Boiron, le directeur du CHU de Saint-Etienne, l'a rappelé très clairement devant la commission d'enquête parlementaire Bartolone sur les emprunts sensibles : 'Nous avons d'ailleurs du mal à imaginer que la capacité d'un hôpital à offrir des soins à la population puisse dépendre des choix d'un trader, qui, dans une salle des marchés, fort éloignée, joue des sommes d'argent pour optimiser son profit à court terme. Nous sommes là très loin de nos valeurs ».
Valeurs… un mot que l'on retrouve bien peu dans les rapports officiels liés à cette triste histoire (le scandale Dexia) ! Il nous est plutôt apparu, au cours de notre enquête, que l'Etat se préoccupait avant-tout de convainque les établissements de payer, d'une façon ou d'une autre ? Des directeurs d'établissements qui avaient, dans un premier temps, lancé des contentieux ont été fermement rappelés à l'ordre par leur hiérarchie. Dans certaines régions, les agences régionales de santé (ARS) ont rapidement invité à plus de retenu des directeurs jugés un peu trop virulents. Quant au rapport de l'Inspection des finances, il ne se pose visiblement pas la question des « valeurs » quand il conclut sans aucun bémol que les hôpitaux doivent trouver les sommes nécessaires pour régler la facture.
A Sevrey, l'hôpital psychiatrique est dans un état critique et les locaux ont besoin d'une véritable rénovation. Les conditions d'accueil des patients ne correspondent plus aux normes ; seul un tiers des 350 patients est accueilli en chambre individuelle, dans les deux bâtiments les plus anciens. Certains vivent dans des dortoirs à quatre. La surface de vie y est souvent inférieure à 28 mètres carrés par patient (aujourd'hui, on ne construit pas à moins de 50 mètres carrés). On sait pourtant combien en psychiatrie le cadre de vie est un élément important pour la qualité de la prise en charge. Cet hôpital qui croule sous les problèmes n'a pas été traité différemment des autres et se trouve sommé de rembourser les intérêts liés aux prêts toxiques ! Son encours de prêts structurés relativement « modeste » avec 6,5 millions d'euros, dont un emrpunt « toxique » Tofix dual indexé sur le change euro/franc suisse de 2,5 millions d'euros. Mais pour cet hôpital, la charge est lourde. Cet emprunt avait été souscrit pour se substituer à un autre dans une sorte d'opération de cavalerie.
Lorsque Sevrey essaie de sortir du piège, Dexia lui propose de payer une soulte de… 1,9 million. Ou alors de « sécuriser » l'emprunt en passant en fixe les deux prochaines années : au taux de 6 % la première année et de 8 % la seconde, en rallongeant la durée de l'emprunt. Mais cela signifie prendre des risques plus longtemps sur des sommes plus importantes. Le directeur ne peut se résoudre à prendre une autre option. Avec l'aide de Stéphanie Barré-Houdart, avocate, et d'Eric Boulot, conseil financier de Riskedge, il décide d'assigner Dexia devant les tribunaux.
Extrait de "Le scandale Dexia" par Alain Piffaretti