L’industrialisation de la naissance, comment, pourquoi ? En sortir ?

En moins d’un siècle la grossesse et l’accouchement se sont profondément modifiés.

Une grande majorité des femmes ont peu de choix. Elles sont suivies et accouchent dans des structures caractérisées par une multiplicité d’intervenants, très qualifiés mais pressés par le temps, et submergés par le nombre.

Chaque soignant va donc parer au plus pressé : pratiquer les mesures objectives, encore précisées par une technologie toujours plus performante.

Au centre des préoccupations de chacun, le maître mot devient LA SECURITE.
En cours de grossesse, la femme et les liens père-mère enfant, sont laissés aux bons soins des  psys, à la rigueur des sages-femmes, ou personnes qui offrent préparation à la naissance et appui émotionnel.

Comment a-t-on pu en arriver là ?

Je dis « on » car chacun est piégé : les soignants qui se sentent responsables et en recherche permanente de perfection et d’une sécurité 100%, à coût constant.

Les parents dont l’attention est détournée de leurs propres perceptions et projet, au profit des résultats d’examens et des paroles des soignants, pas toujours intelligibles et souvent anxiogènes. (Le temps imparti pour les consultations est trop limité pour pouvoir expliquer à loisir, et la succession d’intervenants permet rarement d’identifier une personne référente à qui ensuite pouvoir s’adresser)

Lors de l’accouchement, une surveillance étroite du rythme cardiaque fœtal et la péridurale interdisent quasiment toute mobilité et initiative aux parents. (La péridurale est  une tentation à laquelle il est difficile de résister, tant pour les soignants qui y voient un élément de sécurité et de confort, que pour la femme en prise avec des sensations difficiles à vivre en quasi absence de soutien. D’ailleurs on l’incite souvent à en faire la demande)( 1)

Pourtant les chiffres de périnatalité en France ne sont pas les meilleurs. Et la satisfaction des parents laisse à désirer(2).

Beaucoup de nos voisins font d’autres choix et leurs statistiques sont comparables ou meilleures.

Ainsi  en Angleterre depuis 1993, «  changing childbirth » un mouvement impulsé par les militants de la naissance a été  soutenu par la politique nationale  de santé : la femme et ses choix sont au centre des politiques de santé périnatale.

En conséquence plusieurs options sont offertes aux femmes : accouchement à domicile, maison de naissance, ou hôpital.  Y est associée une volonté de favoriser l’accompagnement global : une même sage-femme accompagne la femme depuis le début de la grossesse, pendant et après l’accouchement. Cette façon de faire, favorise la satisfaction des soignants comme des parents, mais aussi la sécurité(3)

En effet, le meilleur garant de sécurité est la femme elle-même. Pouvoir signaler à une personne connue une inquiétude, (de quelque type que ce soit), c’est diminuer le risque de somatisation, mais aussi permettre une prévention précoce en cas de démarrage d’une pathologie avérée.

La présence, la disponibilité, la continuité entre l’avant, pendant et après la naissance permet aussi d’inscrire l’histoire personnelle et de clarifier les projets, tant en matière d’accouchement, que d’accueil du bébé au sein du couple ou de la famille.

Dans ce cadre, la survenue d’un évènement dramatique, peut aussi être parlée, les choix précisés puisque la sage-femme est perçue comme une alliée, porteuse de connaissance, mais aussi au fait de l’histoire et des choix de cette famille.

Lors de l’accouchement, la femme se sent soutenue et ses choix encouragés, sa liberté de mouvement est favorisée, la possibilité de boire ou de s’alimenter respectée, peu de limites de temps pour chaque phase de l’accouchement sont imposées par des protocoles.

Cet accompagnement optimise le vécu émotionnel et le bon déroulement de l’accouchement.

En France une politique semblable serait-elle possible?

Un petit nombre de familles bénéficient déjà d’un accompagnement global, soit en plateau technique, soit à domicile. Cela se fait avec trop peu de soutien des organisations sanitaires, et parfois même en résistant à leur hostilité ou dans la semi légalité. (5)

Organiser  la continuité des soins à plus grande échelle nécessiterait une augmentation du nombre de sages-femmes, une volonté affirmée des parents et des professionnels. Et un important changement d’attitude.

Mais compte tenu de divers signaux :

La publication par un journal à fort lectorat, de l’enquête du CIANE(Collectif Interassociatif NaissancE ) sur la satisfaction des parents en cours de grossesse, accouchement et ensuite (1,2…)                                                                                              

L’intérêt permanent des médias pour l’accouchement à domicile,

L’intérêt et accès des parents aux informations disponibles sur internet,

Les recommandations de la HAS (haute autorité de santé), et la récente publication d’un article en Français dans une revue de gynécologie (4)                                                                                                                            

On peut penser que la France aussi est en train de re-découvrir ce que peuvent apporter l’écoute et la coopération avec les parturientes au fil d’un accompagnement plus global.


1 : http://ciane.net/blog/2013/04/douleur-et-accouchement-un-dossier-tire-de-lenquete-ciane


2 : http://ciane.net/blog/2013/05/une-demande-croissante-pour-des-approches-moins-medicalisees/


3 : Hodnett ED, Gates S, Hofmyr GJ and Sakala C (2007) Continuous support for women during childbirth. Cochrane Database of  Systematic Reviews


4 : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1297958913001197


5 : http://www.association-mediane.org/Accouchement-a-domicile-en-danger.html