Linky, mesures et démesure

La loi de transition énergétique prévoit le déploiement de 35 millions de nouveaux compteurs électriques communicants « Linky » sur tout le territoire. D’ici à 2021, la grande majorité des compteurs électriques auront été remplacés. Pourtant, certaines objections ont été soulevées par des associations quant au nouvel outil d’ERDF. Interférences électromagnétiques et risque pour la santé, plusieurs critiques ont visé les compteurs. Après une batterie d’analyses et de tests par les centres de recherche nationaux, européens et divers organismes indépendants, il apparait néanmoins que les reproches faits à la nouvelle génération de boitiers sont infondés.

Depuis le début du mois de décembre, ERDF a entrepris d'installer dans tous les foyers le nouveau compteur communicant Linky. Cet outil permettra, grâce à la technologie basée sur le signal CPL (courant porteur en ligne), de transmettre un certain nombre de données et de réaliser des opérations de maintenance à distance, sans intervention sur place. Outre une simplification de procédure pour l’opérateur, Linky rend possible de nouveaux services pour les clients, les collectivités locales, les fournisseurs ou encore les producteurs. Des arguments qui ne suffisent pourtant pas à lui épargner certains reproches.

L’association Robin des toits – qui sensibilise le public sur les éventuels risques liés aux technologies sans fil – est à l’origine de cette croisade : les nouveaux compteurs propageraient des ondes électromagnétiques dangereuses. Très vite, les Robins des toits ont été rejoints par des associations de protection de personnes électro-sensibles – des personnes souffrant de la présence de champs ou d’ondes électromagnétiques. Dans le cas de Linky, on a pu lire que les ondes émises seraient mesurables jusqu'à 2,5 mètres à la ronde autour des installations électriques. Si le principe de précaution est toujours de mise en matière de santé, ces affirmations apparaissent néanmoins extravagantes. 

L’installation de ce nouveau compteur intelligent répond à l'application d'une directive européenne de mise aux normes datant de 2010 – et on voit mal l’Union la plus protectrice des consommateurs dans le monde forcer la mise en place d’un réseau électrique nocif sur son territoire. Mais afin d’en avoir le cœur net, une batterie de test a été réalisée pour mesurer les émissions, leur éventuelle dangerosité, et le dérangement occasionné chez des individus s'affirmant électro-sensibles. Et les mesures des ondes émises par Linky sont accablantes… pour ses détracteurs.

Le laboratoire d'essais CEM de Toulouse et le CRIIREM (Centre de Recherche et d’Information Indépendant sur les Rayonnements Électro Magnétiques) ont tous deux conclu que les émissions en rayonnement à 50 Hrz sont similaires à celles des compteurs bleus électriques actuels. Leur fréquence est légèrement différente (63.3 contre 71) mais demeure largement en dessous de la limite fixée par la directive européenne de 1999 (300). DE plus, il s’agit d’émissions internes, qui ne radient pas dans l’espace, ni n’intensifient les champs électromagnétiques. Tous s’accordent pour dire que Linky est parfaitement inoffensif. Le sujet avait en outre fait l'objet d'une enquête du Conseil d'État qui, le 20 mars 2013, avait abouti à un arrêt concluant que « les rayonnements électromagnétiques émis par les dispositifs de comptage et les câbles n'excèdent ni les seuils fixés par les dispositions du décret du 18 octobre 2006 relatif à la compatibilité électromagnétique des équipements électriques et électroniques, ni ceux admis par l'Organisation mondiale de la santé. »

Fort de ces conclusions, le gouvernement a d’ailleurs répondu clairement aux inquiétudes dans le Journal Officiel du 1er décembre 2015 : « Le compteur Linky est un équipement électrique basse puissance, dont le rayonnement est équivalent à celui d'un compteur bleu électronique. Il n'émet pas de radiofréquences (ondes radio) : il communique avec les concentrateurs, situés dans les postes de distribution, en utilisant la technologie des courants porteurs en ligne. Les concentrateurs installés dans les postes de distribution communiquent ensuite avec le système d'information d'ERDF en utilisant le réseau de téléphonie mobile existant. Un concentrateur émet des ondes électromagnétiques équivalentes, en termes d'intensité, à celles émises par un téléphone portable. »

On le voit, on est loin du tableau apocalyptique que l’on peut trouver sur internet. Le courant porteur en ligne permet de transmettre les données vers des installations appelées concentrateurs, situés loin des domiciles, et qui eux sont susceptibles d’être responsables d’émissions mineures. Là encore, leur disposition assure une sécurité pour les riverains, écartant tout risque pour la santé, ou toute gène à domicile pour les personnes s’estimant électro-sensibles.

Une électro-sensibilité d’ailleurs de plus en plus sujette à caution au sein de la communauté scientifique. En effet, la quasi-totalité des essais cliniques réalisés en double aveugle, où les patients sont exposés à des champs tantôt réels, tantôt factices, ont démontré que les personnes se jugeant électro-sensibles étaient incapables de distinguer une exposition aux champs électromagnétiques réels d'une exposition simulée, suggérant qu'il s'agit de troubles résultant d'un effet « nocebo » – soit l’apparition d’effets secondaires indésirables, sans que la personne n’ait été exposée (résultats fournis par l’Académie de de Médecine de France et l’OMS).