L’Association française de l’éclairage a organisé fin mars un colloque sur les effets de la lumière bleue sur l’organisme humain, afin d’aider à y voir plus clair sur ce sujet, qui soulève encore des « controverses scientifiques ».
Bleue comme une insomnie, pourrait-on affirmer en triturant légèrement un vers de Paul Eluard. C’est bien connu, les longueurs d’ondes de la lumière qui se situent entre 380 et 500 nanomètres – autrement appelées « lumière bleue » – peuvent avoir des répercussions sur notre sommeil. Négatives, bien souvent dans l’inconscient collectif, car elles peuvent inciter notre organisme à rester éveillé alors qu’il est censé se reposer. Ce qui ne signifie pas, loin de là, que la lumière bleue soit totalement néfaste. Car à l’inverse, celle-ci, également appelée lumière visible de haute énergie (HEV), permet à l’organisme humain de se repérer entre le jour et la nuit. Et, ainsi, de se régénérer de manière cyclique, afin de rester en bonne santé.
Si, depuis une dizaine d’années, la lumière bleue occupe régulièrement la case « polémique », c’est qu’outre le soleil, qui en émet de manière naturelle, elle provient également des écrans d’ordinateurs ou de smartphones. Dont l’utilisation augmente d’année en année, chez les populations jeunes notamment, qui risquent ainsi d’être de plus en plus « déphasées ». De nombreux spécialistes pointent du doigt les risques encourus par ces dernières, susceptibles de rester sur « leurs écrans » jusqu’à des heures tardives, désorganisant totalement leur horloge biologique. Tout en reconnaissant cependant que l’influence de la lumière bleue sur l’organisme est un « risque complexe », qui soulève encore des « controverses scientifiques », comme le rappelle l’Association française de l’éclairage (AFE), qui vient d’organiser un colloque autour des « nouvelles connaissances sur les effets sur l’Homme » de la lumière bleue.
Un rendez-vous qui a permis, de faire la lumière sur ce qui est devenu un véritable enjeu de société. Car depuis la publication d’une étude sur le sujet par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), en 2010, « les connaissances sur la lumière bleue et ses effets sur la rétine et la biologie humaine ont évolué. […] Si tous les résultats font état de dangers potentiels dans des conditions anormales d’utilisation, d’autres travaux ont souligné des mécanismes naturels de défense de l’oeil », avance effectivement l’association. Qui estime que « plus que la lumière bleue en elle-même, dont la première source demeure le soleil, ce sont nos comportements qui font du sujet de la lumière bleue un enjeu sanitaire de grande envergure ».
« Bilans d’exposition de la rétine à la lumière bleue »
Un avis partagé, au niveau européen notamment. Dans un rapport remis en juin 2018, le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux rattachés à la Commission européenne estimait effectivement qu’ « il n’existe aucune preuve que la population générale soit à risque d’effets indésirables sur la santé dans des conditions normales d’utilisation ». Laissant supposer que ce sont les conditions « anormales », et donc « nos comportements », qui seraient la cause des excès liés à la lumière bleue.
Dans le viseur de tous les chercheurs, surtout : les diodes électroluminescentes, plus connues sous l’acronyme LED, largement utilisées pour la confection des écrans d’ordinateurs et de smartphones. Si le rapport cité par l’AFE « concluait à la non-dangerosité » de ces éléments en 2010, c’était en prenant en considération les fameuses « conditions normales d’utilisation ». D’où la nécessité, selon l’AFE, de faire le point sur le sujet. Alors que « de nombreuses hypothèses, sur lesquelles sont encore basées les dernières publications nationales et internationales, restent à démontrer (efficacité des filtres anti-lumière bleue, addition des différentes expositions…), des réponses qui manquent encore aux décideurs publics ».
En plus de présenter certains des travaux les plus récents sur le sujet, le colloque de l’AFE a été l’occasion de présenter « des bilans d’exposition de la rétine à la lumière bleue », afin de déterminer qui de la lumière naturelle (soleil) ou artificielle (LED) a davantage d’influence sur le sommeil et sur l’œil. Sachant que, selon le département américain de l’Energie, le pourcentage de bleu dans la lumière naturelle (environ 40 %) est supérieur à celui contenu dans la lumière des LED (32 % maximum). Et comme le rappelait l’an dernier l’Association nationale pour l’amélioration de la vue (ASNAV), le temps moyen passé chaque jour devant un écran est de 9 heures 43 minutes chez lesjeunes de 16-24 ans
Trois principes de base font désormais l’unanimité pour apprivoiser la lumière bleue : un couvre-feu digital (pas d’écrans au moins une heure avant d’aller dormir), une obscurité totale pour dormir (sans témoins lumineux ni veilleuse) et une durée d’exposition à la lumière naturelle suffisante pour permettre de limiter les impacts de l’exposition aux écrans le soir.
Comme le rappelle Cédric Lewandowski, Président de l’AFE, « Les conférences de l’AFE sur la lumière bleue montrent, au fil des années, une évolution constante des connaissances scientifiques et médicales. En informant sur les bonnes pratiques issues des résultats des études sur les effets de la lumière sur l’homme et son environnement, l’AFE contribue à définir des règles d’hygiène lumineuse utilisables par tous. »