Le développement des troubles du comportement alimentaire et des obésités dans les pays développés, leur explosion dans les pays en pleine ascension économique posent question. Comment en est-on arrivé là ? Quelles forces agissantes sont-elles en jeu ? C’est ce que nous allons tenter de cerner.
Business versus puritanisme alimentaires
Les professionnels de l’alimentaire sont sans doute en poussant à consommer. Ils font feu de tout bois : érotisation des aliments à haute densité calorique, promotion d’aliments allégés supermoraux, massification des aliments plus ordinaires.
S’opposant au discours consumériste, les pouvoirs publics, relayés par les organismes de Sécurité sociale et d’assurances, le corps médical, le corps professoral, prônent un hygiénisme puritain. Ils sont comme autant de mères toutes puissantes qui s’efforcent tout d’abord de convaincre, puis de surveiller, puis de punir les mangeurs déviants. L’obèse est alors assimilé à un pécheur à la conduite immorale, à qui on fait honte, ou bien à un délinquant alimentaire, coupable et punissable.
Contrôlez votre poids, ou soyez raté
Mais ce poids, en quoi est-il si fondamental ? Sans doute parce qu’il est devenu une forme de capital.
La croyance selon laquelle réussir sa vie consiste à accumuler du capital est un moteur essentiel des sociétés modernes. Mais les bien matériels étant limités par nature, la notion de capital a été élargie à des qualités intrinsèques qui jusque là, relevaient de l’être et non de l’avoir. On parle désormais de capital-beauté, de capital-jeunesse, de capital-santé et de capital-minceur. Ces nouveaux capitaux, conditions du succès, donneront accès, bien souvent, à des richesses plus matérielles.
Mais voilà que nous glissons peu à peu vers le post-moderne, où réussir sa vie consiste à en faire une œuvre d’art, une merveille d’équilibre. L’obésité est alors moins perçue comme une insuffisance de capital-minceur que comme une dysharmonie, une faute de goût, et finalement le signe du ratage de l’existence entière. La pression à mincir n’en est que plus forte.
Manger à la folie
Nous voilà écartelés ! La société consumériste encourage à consommer tant et plus, sur un mode boulimique ; l’hygiénisme alimentaire promu par les pouvoirs publics visent se fait de plus en plus contraignant ; la santé, la beauté et la minceur, enjeux de ces luttes, sont devenues des passages obligés, conditionnant la réussite sociale et le bonheur individuel.
Comment échapperait-on à la névrotisation des conduites alimentaires, à leur dérèglement ? Songeons à ces publicités poussant à la consommation, sous-titrés de messages sanitaires demandant à ce qu’on ne mange pas ces aliments là. Quand l’enjeu est la réussite ou l’échec de son existence, ces messages paradoxaux ne sont-ils pas un bon moyen pour rendre fou ?
Anorexie mentale, boulimie, obésités, ou à un moindre niveau culpabilité, honte, insatisfaction, mécontentement de soi fleurissent sur ce terreau.
Comment en sortir ?
Peut-être conviendrait-il de réapprendre à manger. Plutôt que d’écouter les sirènes agro-alimentaires ou les moralistes de tout poil, pourquoi ne pas faire confiance à ses mécanismes internes de contrôle, désormais bien étudiés, et dont la fonction est de réguler le poids ?
Peut-être faudrait-il mettre fin à la dramatisation du poids, à la stigmatisation des obèses. Le poids n’est pas la mesure de la volonté et de la valeur intrinsèque d’un individu ; il est tributaire de sa génétique, de son histoire personnelle, de son mode de vie.
Enfin, manger compulsivement est devenu pour beaucoup une forme d’addiction comportementale, visant à minorer des émotions et des pensées vues comme insupportables. L’aide à apporter à ces personnes est du ressort de la psychologie, pas de la diététique.
Telle est le sens de l’action entreprise par le Groupe de Réflexion sur l'Obésité et le Surpoids (www.gros.org) en formant des professionnels de santé à ces méthodes. Tel est le sens du site que nous avons fondé (www.linecoaching.com) afin de proposer de telles approches au plus grand nombre.