Alors que l'Agence nationale de sécurité du médicament, l'ANSM, estimait à 45 le nombre de médicaments dont il y a un risque de pénurie en France, pour la présidente de l'ordre des pharmaciens ce nombre ne serait même pas le dixième du risque réel. De quoi inquiéter.
539 médicaments à risque rupture de stock
Ce ne sont pas 45 mais bien 539 les médicaments qui risquent de se retrouver en rupture de stock dans les officines françaises selon les Président de l'ordre des pharmaciens, Isabelle Adenot. L'Ordre des pharmaciens a réalisé un calcul test sur 200 pharmacies en France en septembre qui infirme totalement l'estimation de l'ANSM.
Si la rupture de stocks n'est pas encore au rendez-vous le risque est réel et est essentiellement dû à la globalisation et à la mondialisation de la production. Comme la majorité des médicaments sont produits en Chine ou en Inde, en cas de problèmes dans ces pays, c'est la distribution au niveau mondial qui en souffre.
Pourtant, la question de la pénurie des médicaments n'est pas une nouveauté. 44 produits considérés comme indispensables étaient à risque rupture de stock en 2008, 173 en 2012 et 245 fin août 2013.
Pas de quoi s'alarmer, donc, mais de quoi poser de sérieuses questions concernant la mondialisation de la production de médicaments et ses conséquences sur la santé.
Ce que je trouve formidable en France, à ce sujet, c”est que la pénurie avérée ou la perspective d”une pénurie créent des habitus médiatiques, sociologiques qui engagent les autorités à l”action. Or, en Tunisie, nous nous habitués à propos de certains médicaments à accepter l”idée qu”en officine, on nous dise : “il est épuisé”.rnCette acceptation d”un monde de la rareté qui vire au normal est inquiétant car nous ne devrions pas tolérer qu”un médicament, c”est-à-dire potentiellement, le garant d”une poursuite de la vie, puisse ne pas être disponible.
Nouvelle grave pénurie annoncée de BCG intravésical
Depuis 2012 on connait la pénurie d’un médicament qui est le traitement de référence des tumeurs de la vessie n’infiltrant pas le muscle (80% des cas de tumeurs), le BCG intravésical. Cette pénurie a été causée par la fermeture de l’usine de Toronto qui fabriquait Immucyst 81 pour Sanofi-Pasteur. Le recours à des spécialités de substitution importées, Oncotice et BCG-Médac ne répondant pas suffisamment aux besoins en augmentation, un contingentement fut décidé qui conduisit à restreindre l’emploi du BCG, à diminuer le nombre de doses et à supprimer le traitement d’entretien. Il en résulta une dégradation des soins pouvant amener à l’ablation de la vessie. Malgré ces mesures, une grave rupture de stock s’est produite à l’automne 2014, interrompant le traitement de nombreux malades. Régulièrement, depuis 2012, Sanofi-Pasteur annonçait la reprise de sa production de BCG après la remise aux normes de l’usine de Toronto. Ces annonces rassurantes étaient relayées par les autorités médicales et politiques. Finalement la production put reprendre peu à peu et Immucyst fut distribué de nouveau en octobre 2015. Cependant les consignes de contingentement étaient maintenues. Un an plus tard, en novembre 2016, contrairement à ce que l’on espérait, Sanofi Pasteur annonçait qu’il allait arrêter, définitivement, au milieu de 2017, la production d’Immucyst. Un porte-parole de Sanofi indiquait que le groupe avait essayé de résoudre les problèmes de l’usine de Toronto, mais que ses efforts ne peuvent garantir une continuité et un approvisionnement fiable du produit. On peut penser que ce puissant laboratoire a renoncé parce qu’il ne considérait pas suffisamment rentable d’investir davantage dans cette spécialité de fabrication délicate pourtant indispensable. L’article 36 de la récente Loi Santé “renforce notamment les instruments à la disposition des pouvoirs publics pour faire face aux ruptures ainsi que les obligations qui pèsent sur les acteurs du circuit pharmaceutique, afin de lutter contre toutes les causes de rupture et de garantir que tous les patients puissent avoir accès à leur traitement”. Il faudrait que les pouvoirs publics réagissent énergiquement. Ce n’est pas le cas actuellement. Les urologues de l’Association Française d’Urologie parlent d’une catastrophe sanitaire. Leurs responsables les invitent à fédérer leurs patients atteints d’un cancer de la vessie afin qu’ils puissent défendre leur accès aux soins en accord avec les recommandations scientifiques. Un collectif cancer.vessie s’est créé (cancer.vessie@orange.fr).