Depuis près de vingt ans la question des OGM fait polémique. Cela s’explique par le hiatus important qui existe dans nos sociétés, au niveau de la connaissance de ce que sont les OGM et de leurs éventuels intérêts.
Ainsi, la problématique des OGM est-elle emblématique des rapports déséquilibrés et dangereux qui existent entre les « techno sciences », l’économie et la santé environnementale ; santé environnementale au sens de la définition donnée par l’OMS lors de la conférence d’Helsinki en 1994 qui dit : « La santé environnementale comprend les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement. Elle concerne également la politique et les pratiques de gestion, de résorption, de contrôle et de prévention des facteurs environnementaux susceptibles d'affecter la santé des générations actuelles et futures ».
Les mêmes processus sont en jeux dans d’autres applications technologiques de découvertes scientifiques comme : les pesticides, les rayonnements ionisants, électromagnétiques ou nanoparticules, parfois les médicaments…Les dysfonctionnements dans les équilibres entre économie, techno sciences et santé environnementale se traduisent par une externalisation des coûts (à la fois financiers, de santé humaine et de souffrance) engendrés par la mise sur le marché de produits dont les conséquences et les impacts sur la santé sont volontairement minimisés voire cachés. (Cf. « Signaux précoces, leçons tardives » Agence Européenne de l’Environnement 2013)
Un OGM est un organisme vivant (micro-organisme, végétal, animal) ayant subi une modification non naturelle de ses caractéristiques génétiques initiales, par ajout, suppression ou remplacement d’au moins un gène. Plus succinctement, on appelle OGM tout organisme hébergeant un ou plusieurs gènes provenant d’une espèce à laquelle il n’appartient pas. Les gènes étrangers sont alors appelés « transgènes ».
Il existe à l’heure actuelle une quarantaine de plantes OGM (PGM), cultivées sur la planète. Parmi ces plantes, 70% sont des plantes tolérantes à un herbicide comme le Roundup par exemple, c'est-à-dire quelles peuvent absorber l’herbicide sans en mourir et devenir des éponges à herbicide, 15% produisent elles même leur insecticide (plantes Bt par exemple) et 15% possèdent à la fois les deux caractéristiques ou plus comme le maïs SmartStax contenant 8 transgènes.
Il est alors aisé de comprendre que les pesticides tolérés ou produits par les PGM se retrouvent dans l’alimentation des animaux d’élevage ainsi que dans nos assiettes. Les PGM sont donc des plantes à pesticide et il n’est pas possible de séparer la problématique des pesticides de celle des OGM.
Quels sont les risques pour la santé ?
Principalement trois risques : – l’impact sur la santé des pesticides contenus dans la plante (toxicité cellulaire, perturbation endocrine…) ; – les modifications de l’expression des gènes de la plante par la présence d’un « intrus » (le transgène), pouvant provoquer des troubles métaboliques ; – la mutagénèse d’insertion, l’intrus ainsi que les techniques d’intrusion pouvant modifier des gènes de façon tout à fait aléatoire et donc leur expression.
Comment les PGM et les pesticides associés sont ils évalués ?
Force est de constater que les OGM ne sont évalués que de façon très succincte : 3 mois seulement sur des rats qui peuvent vivre plus de deux ans, alors même que les animaux d’élevage et la population mondiale pourrait en manger vie entière. En ce qui concerne les pesticides, ils sont sous évalués, en effets, seules les molécules dites « actives » sont testées sur deux ans, les produits dans leur formulation globale ne le sont que quelques jours sans analyse sanguine ; alors même que les formulations globales sont plus toxiques (Mesnage et al. 2012 Ethoxylated adjuvants of glyphosate-based herbicides are active principles of human cell toxicity. Toxicology 2012). C’est le cas du Roundup dont le glyphosate (molécule dite active) est testée pendant deux ans, alors que le Roundup dans sa formulation totale n’est testée que quelques jours sans aucun bilan sanguin. Nous en avons eu avec le Pr Séralini confirmation écrite en janvier dernier par M. Marc Mortureux directeur de l’ANSES. Par ailleurs, il faut préciser que les tests toxicologiques nécessaires pour l’autorisation de mise sur le marché sont réalisés par la firme productrice et que les résultats de ces tests sont considérés comme « secret industriel » et soumis de plus à la protection par la « propriété intellectuelle » du fabricant. Il n’existe donc pas d’indépendance et de transparence sur la production de tests toxicologiques de produits pouvant être dangereux pour la santé. Nous avons avec Gilles Eric Séralini demandé à plusieurs reprises à Madame Geslain-Laneelle directrice de l’EFSA les études toxicologiques concernant le glyphosate et le Roundup, cela nous a toujours été refusé !
Pour la première fois au monde nous avons réalisé avec Gilles-Eric Séralini une étude sur deux ans, sur des rats mangeant un OGM (maïs NK603) et son pesticide associé (le Roundup herbicide le plus vendu au monde et polluant des eaux superficielles et profondes) et montré les pathologies engendrées. Nous avons aussi répondu aux critiques véhémentes suscitées par notre étude. (2 publications disponibles sur le site du CRIIGEN : http://www.criigen.org/ : Gilles-Eric Séralini et al.(2012). Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize. Food Chem. Tox. 50, 4221-4231. Et Gilles-Eric Séralini et al. (2013). Answers to critics: Why there is a long term toxicity due to a Roundup-tolerant genetically modified maize and to a Roundup herbicide. Food Chem. Toxicol. 53,461-468) sur le site du CRIIGEN).
Les PGM ont-elles des intérêts ?
Avec les PGM les firmes productrices depuis plus de 20 ans nous promettent des plantes révolutionnaires pouvant résister à la sécheresse, à la salinité, nourrir la planète, réduire la quantité de pesticides… Rien de tout cela n’a vu le jour ! C’est vraiment avoir une vision réductionniste du vivant et faire fis de la complexité du vivant, des tonnages de pesticides contenus dans les PGM ainsi que de la capacité d’adaptation des parasites et des adventices des cultures que de soutenir de pareils propos. La preuve est déjà faite, les insectes parasites des cultures deviennent résistants aux PGM Bt, c’est le cas par exemple de la Chrysomèle et les adventices comme les amarantes envahissent les champs des cultures PGM tolérantes au Roundup. Tout ceci ne va que pousser à l’augmentation d’utilisation de pesticides ou à la découverte de nouveaux pesticides plus toxiques et toujours mal évalués. Par ailleurs les PGM n’ont pas montré leurs capacités à augmenter les rendements ou leur qualité nutritionnelle.
Les seuls « intérêts » sont des intérêts financiers pour les firmes productrices de PGM et de pesticides, qui se permettent de privatiser le vivant par le brevetage de semences, de polluer la planète en externalisant les coût à la fois environnementaux et de santé publique ce qui est socialement et humainement inacceptable.
L’affaire des PGM permet de remettre en cause : – les protocoles d’évaluation toxicologique volontairement minimalistes pour l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché ou en culture des PGM et des pesticides. – le manque d’indépendance et de transparence de ces études. – les agences d’accréditations trop laxistes. – l’influence des lobbies auprès des agences. – les règles de toxicologie obsolètes utilisées, ne tenant pas compte des effets des mélanges, de la bioaccumulation, des effets des faibles doses ou doses physiologiques, des actions perturbatrices endocriniennes. – les normes toxicologiques internationales qui sont sous évaluées.
En conclusion, je ne suis pas favorable à la mise sur le marché de PGM, plantes à pesticide, tant que les protocoles des tests de toxicologiques ne seront pas prévus pour mettre en évidence la toxicité chronique de ces produits (tests vie entière et bilan biologiques complets…). Par ailleurs, je réclame des tests indépendants des firmes, transparents et libre d’accès pour l’obtention d’une réelle expertise contradictoire. Pour l’instant les PGM, plantes à pesticide, ne sont qu’un « miroir aux alouettes» sous tendu par une vision réductionniste du vivant ne profitant qu’aux firmes productrices qui ainsi font main basse sur les semences mondiales en externalisant les coûts environnementaux (pollution génétique, diminution de la biodiversité, désertification des sols, pollution des sols et des réserves d’eau) et de santé publique (augmentation des pathologies lourdes, cancers, stérilité, maladies neuro-dégénératives…).
Malheureusement, cela est cautionné par les agences dont le but devrait être de protéger l’environnement, la santé des populations et non les intérêts privés de l’agrochimie.
Il existe de plantes cultivées tolérant un herbicide et qui ne sont pas des OGM.rnPar exemple, le blé Renan, utilisé en agriculture BIO est tolérant à l”herbicide chlortoluron et le maïs Duo System de BASF est tolérant à l”herbicide Stratos Ultra.rnCes plantes ne sont pas des PGM, elle n”ont pas été produites par transgénèse ni par mutagénèse. Par exemple, le maïs Duo System a été obtenu grâce à une mutation spontanée.rnBref, la problématique des “plantes pesticides” -comme vous les nommez- est indépendante du mode d”obtention de la plante.rnOn peut condamner les “plantes pesticides”, mais il serait logique de les condamner toutes, pas seulement celles qui sont transgéniques.