Les hôpitaux en France sont au bord de l’asphyxie. Les soignants sont surmenés, les services sont surchargés, et les injonctions contradictoires rendent l’équation insoluble. Comment sauvez notre système de santé ? Réponse en 3 points.
Réformer en urgence, mais intelligemment
La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a fort à faire. Le 13 février prochain, elle doit remettre au conseil des ministres son projet de loi de finance Santé. La réforme engagée doit conduire à réallouer 15 milliards d’euros sur les 200 milliards consacrés chaque année aux dépenses de santé, avec comme objectif une amélioration de la pertinence des dépenses, des conditions de travail des quelques 3 millions d’actifs dans le secteur de la santé en France et de la qualité des soins au sein d’un système de santé exsangue. « Le paiement à l’acte ne peut être l’alpha et l’oméga car il fait perdre de vue la pertinence » notait Mme Buzyn.
Un rapport piloté par Jean-Marc Aubert, le patron de la recherche et des statistiques au ministère de la Santé (DREES) et rapporteur de la « task force » chargée de ce dossier épineux, a été remis à la ministre cette semaine. Il doit servir de guide à la réforme. Le document dernier recommande d’évoluer vers un paiement des frais de santé au forfait, visant une « séquence de soins » aujourd’hui divisée entre les différents soignants chargés des différentes étapes. Elle remplacerait la tarification mise en place dans les années 2000, qui a poussé les établissements de santé augmenter artificiellement le nombre d’opérations afin de combler leur déficit.
« La transformation du financement apparaît nécessaire pour inciter davantage les acteurs à développer la prévention, s’assurer d’un standard élevé de qualité, rechercher une plus grande pertinence des soins et prendre le temps d’une meilleure coordination », écrit le rapporteur. Ce dernier préconise une réforme « à la suédoise ».
Dégager des moyens rapidement
La réforme entreprise par le gouvernement se doit d’être ambitieuse, si elle compte bien régler une fois pour toute le déficit chronique de notre système de santé. En 2018, il a atteint 920 millions d’euros et « en 2018, le cap du milliard devrait être franchi », met en garde Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France. « L’activité va progresser de moins de 1 % alors que le gouvernement fixe des tarifs fondés sur l’hypothèse d’un rythme supérieur à 2 % », poursuit-il.
Ce dernier enfonce le clou : « On demande par ailleurs à nouveau 960 millions d’euros d’économies aux hôpitaux cette année. L’équation est insoluble ». Et ce tout particulièrement parce que la demande de soins a elle-même évolué. Le vieillissement de la population s’accompagne d’une forte augmentation des maladies chroniques, qui doit également être pris en compte. Pour le spécialiste, impossible d’y couper, le déficit va encore augmenter cette année.
Pourtant, M Vallentoux n’est pas défaitiste : « Avec 200 milliards d’euros, on peut soigner les Français », assure-t-il. « Le sujet est de dépenser mieux car il y a beaucoup de déperdition, de redondance, d’actes injustifiés ». Tant que la situation durera, l’hôpital souffrira des dysfonctionnements du système de santé. « Il en est la victime et pas la cause » insiste le président de fédération.
Parier sur l’innovation et le privé quand c’est possible
Une piste pour baisser la facture et faire respirer le système de santé est la numérisation. Elle permet en effet de couper dans les dépenses bureaucratiques, mais aussi de soulager un personnel médical souvent surmené. Un étude de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) propose ainsi des pistes pour une meilleure intégration du numérique. L’intelligence artificielle (meilleur traitement des données, diagnostique rapide) ou la santé mobile » (l’ensemble services de santé accessibles grâce à un appareil mobile connecté à un réseau) pourraient ainsi permettre des économies majeures.
Mais le numérique permet aussi de lutter contre les inégalités territoriales dans notre réseau de services de santé – autre maillon faible de notre pays, tout particulièrement à l’heure de la rationalisation des dépenses. « Face à l’évolution de la démographie médicale, aux inégalités territoriales d’accès aux soins, à la hausse de la prévalence des maladies chroniques ou encore au vieillissement de la population et à la prise en charge de la dépendance, les technologies numériques recèlent d’énormes ressources pour améliorer les systèmes de santé », note Serge Soudoplatoff, auteur du rapport.
La pleine intégration du numérique nécessite toutefois la collaboration de tous les acteurs du monde de la santé. C’est notamment le cas des mutuelles, qui ont encore trop souvent un temps de retard par rapport aux solutions les plus innovantes. Inversement, certaines initiatives prennent pleinement parti de ce potentiel, à l’image de Deuxième Avis, start up financée par le groupe de protection sociale Audiens, qui propose un deuxième avis par un spécialisé sans frais. Le résultat est envoyé par écrit dans la semaine, à la demande de ses adhérents atteints de problèmes de santé graves.
« Nous sommes très à l’écoute du marché des startups, qui proposent des solutions innovantes » afin de « répondre à l’impératif de changement » de note système de santé, explique à ce propos Éric Breux, directeur du pôle Entreprises & institutions du groupe. Une attitude qui montre que la relève est déjà en train de se pencher sur de solutions permettant plus de flexibilité pour le malade et les praticiens tout en maintenant la qualité des soins.