Selon la dernière enquête de Santé publique France, l’ensemble de la population française, adultes et enfants, est exposée à divers métaux lourds, potentiellement dangereux pour la santé. Quelles sont les substances en cause, les sources d’exposition, les risques et les mesures envisagées ? Cette étude fait le point sur le sujet.
Une étude couvrant un large spectre de métaux
Arsenic, cadmium, chrome, cuivre, mercure, nickel… Mais aussi aluminium, bore, cobalt, manganèse, platine, tungstène, zinc… Cette dernière étude a permis de mesurer l’exposition à 27 métaux différents et la présence de chacun d’entre eux dans l’organisme des adultes… Mais également, pour la première fois à l’échelle nationale, chez les enfants. Des données qui s’ajoutent aux résultats déjà publiés en 2019 sur les polluants dits « du quotidien », et en 2020 concernant le plomb.
Les travaux ont été menés entre avril 2014 et mars 2016 sur un échantillon représentatif de la population française, composée de 1.104 enfants et 2.503 adultes, âgés de 6 à 74 ans. Ils s’appuient sur des prélèvements biologiques (urines, sang et cheveux) et sur un questionnaire sur les habitudes de vie et alimentaires, l’analyse croisée de ces deux types de données permettant de quantifier la présence de ces métaux dans la population et de mieux connaître les sources d’exposition.
Santé publique France rappelle que ces métaux, naturellement présents dans l’environnement, et même pour certains d’entre eux dans l’organisme, peuvent, au-delà de certaines concentrations, être à l’origine de l’apparition de maladies chroniques (avec des effets osseux, rénaux, cardiovasculaires ou encore neurotoxiques), de déficience immunitaire ou de cancers.
Des résultats préoccupants, des sources d’exposition diverses
Les principaux résultats montrent que l’exposition de la population à ces métaux concerne l’ensemble des adultes et des enfants : plus de 97 % à 100 % de détection selon les substances. Pour tous les métaux, à l’exception du nickel et du cuivre, les niveaux mesurés chez les adultes ou les enfants sont plus élevés que dans la plupart des pays européens et d’Amérique du Nord. Pour le mercure et le nickel, les niveaux de concentration chez les adultes sont équivalents à ceux enregistrés dans l’étude ENNS (Etude Nationale Nutrition Santé), menée en 2006-2007. Ils sont en revanche en augmentation pour l’arsenic, le cadmium et le chrome. Des dépassements des valeurs guides sanitaires sont observés au sein de la population pour l’arsenic, le mercure, le cadmium et le plomb.
Cette nouvelle photographie des imprégnations montre ainsi que l’ensemble de la population est concerné. Selon Santé publique France, « il est donc nécessaire de maintenir les études de biosurveillance pour suivre l’évolution des expositions aux métaux et poursuivre les mesures visant à les réduire, en agissant en particulier sur les sources d’exposition, compte tenu de leurs effets néfastes sur la santé ».
Cette étude montre également que les sources d’expositions diffèrent selon les métaux et sont multiples, y compris pour une même substance. La consommation de poissons et de fruits de mer influence ainsi les concentrations en arsenic, en chrome, en cadmium et en mercure. Le tabagisme augmente celles en cadmium et en cuivre. Plus surprenant : côté alimentation, même la consommation de céréales et de légumes issus de l’agriculture biologique influe sur les concentrations en cuivre. Le rôle d’autres déterminants connus sont également observés comme ceux des implants médicaux sur les concentrations en chrome et des plombages dentaires sur celles en mercure.
De vrais enjeux de santé publique
S’appuyant sur ces résultats, Santé Publique France rappelle d’abord la nécessité d’ancrer davantage la lutte contre le tabagisme, y compris le tabagisme passif, afin de réduire l’exposition au cadmium et au cuivre. Pour le cadmium, le tabac entraîne, selon l’étude, une augmentation de plus de 50 % d’imprégnation chez les fumeurs.
En matière d’alimentation, l’organisme public confirme l’importance de diversifier les sources d’aliments, notamment pour les poissons. Car si le poisson et les produits de la mer ont de nombreuses qualités nutritionnelles, leur consommation influence les concentrations en arsenic, en cadmium, en chrome et en mercure, du fait de la pollution des mers et des océans. D’où la recommandation de consommer deux fois par semaine du poisson dont un poisson gras, en variant les espèces et les lieux de pêche.
Par ailleurs, Santé Publique France a engagé des travaux avec différents partenaires, l’Anses, la plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire (SCA) et l’INRAE pour tenter d’explorer les hypothèses concernant l’élévation des concentrations en cadmium dans la population française qui pourrait être attribuable à l’alimentation.
De manière plus générale, « la surveillance de l’imprégnation de la population aux substances chimiques est un enjeu de santé publique », souligne Geneviève Chêne, directrice générale de Santé publique France. « La répétition des études de biosurveillance est nécessaire pour suivre dans le temps les évolutions des expositions de la population et ainsi contribuer à estimer l’impact des politiques publiques visant à les réduire ».