Les entreprises, qui peinent globalement à atteindre la barre des 6 % de travailleurs handicapés, se mobilisent pour sensibiliser en interne leurs équipes, alors que 80 % des handicaps sont déclarés « invisibles ».
« Mobilisation ». Tel était le mot d’ordre de la 23ème Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH), organisée dans toute la France du 18 au 24 novembre derniers. Plus de 500 événements au cours desquels les personnes en situation de handicap, dont 517 000 sont au chômage en 2019 (soit 18 %, un taux en légère baisse par rapport à l’an dernier, mais deux fois plus important que celui des personnes valides), ont pu rencontrer des professionnels et des recruteurs afin de retrouver le chemin de l’emploi. Cela en présence de la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel – qui a assisté à la conférence de presse de lancement, une première en 23 ans.
Handicaps imperceptibles
Maladies psychiques, déficience auditive, troubles dys (cognitifs), diabète… « Le handicap ne se limite pas aux personnes en fauteuil roulant », souligne le site spécialisé Handicap.fr ; faire bouger les mentalités à ce sujet apparaît comme l’un des premiers leviers d’action. Car « 80 % des handicaps sont invisibles », rappelle le slogan de l’événement, dont le but était de rendre « visibles les compétences » de ces personnes. Dont certaines, une fois dans l’entreprise, n’osent même pas se déclarer handicapées, de peur d’être stigmatisées, rejetées ou bien discriminées.
Pour beaucoup de spécialistes, l’aspect psychologique joue beaucoup : certaines personnes en situation de handicap ne se voient pas toujours comme handicapées, notamment quand il s’agit des conséquences d’une maladie acquise, comme le cancer ou la sclérose en plaques. Et comme le rappelle l’ambassadrice de la 23ème édition de la SEEPH, Victoria Lahouel, qui souffre d’hypersomnie idiopathique – un trouble neurologique entraînant un sommeil excessif –, les handicaps imperceptibles sont rarement « pris au sérieux » en entreprise. Voire totalement niés. Ce qui n’incite pas forcément les principaux intéressés à faire le premier pas.
Sensibilisation en interne
Pourtant, la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé donne des droits au salarié, comme l’aménagement du poste de travail, en termes de matériel, d’organisation du temps et de formation par exemple. « J’ai pu bénéficier d’aménagements importants : siège ergonomique, souris adaptée, support pour les pieds, clavier à touches souples, lumière blanche, voiture avec boîte de vitesses automatique et possibilité de télétravail », explique au Monde Laurent Tuil, responsable de compte chez ADP. Encore faut-il selon lui « accepter » sa nouvelle vie, et choisir la « transparence totale vis-à-vis de [l’]employeur ». Moins pour ce dernier que pour le travailleur.
D’où l’importance de sensibiliser au maximum, à l’extérieur comme à l’intérieur du monde de l’entreprise, sur la situation des salariés en situation de handicap. Ce que s’est par exemple engagé à faire EDF, qui emploie 5 600 salariés en situation de handicap dans le Groupe EDF à travers le monde, en diffusant tout au long de la SEEPH une campagne d’affichage sur le thème du handicap invisible. « Ces situations et les aménagements qui en découlent nécessitent un accompagnement auprès des équipes, car elles peuvent être source d’incompréhensions de la part des collègues », reconnaît le groupe.
« Nous avons signé un nouvel accord handicap avec l’ensemble des organisations syndicales représentatives” souligne de son côté Christophe Carval, directeur des ressources humaines chez EDF. C’est notre 11ème accord depuis 1989. Les défis sont multiples : emploi, santé, conditions de travail, adaptation des postes, etc. Mais aujourd’hui, nous avons à relever tout particulièrement trois challenges : celui de l’accessibilité numérique, d’une part, la construction de parcours professionnels alors qu’ils peuvent souvent être plus complexes à construire, d’autre part, et, enfin, celui de l’accompagnement de nos collègues lors des transformations de l’entreprise».
Référent handicap
Juste avant la 23ème SEEPH, à l’invitation du gouvernement et du Salon du Handicap (groupe Les Echos Le Parisien), une centaine de sociétés ont signé un manifeste visant à garantir une meilleure inclusion des personnes handicapées dans la vie économique. Parmi elles, on compte notamment Total, la Société Générale, Orange, PSA, BNP Paribas, Altice, Suez, Casino ou LVMH. Avec, parmi les engagements pris, « la mise en œuvre régulière d’actions internes de sensibilisation pour lutter contre les stéréotypes et les discriminations à l’égard des personnes handicapées », et « la mobilisation de tout nouveau collaborateur autour des enjeux du handicap », entre autres.
A partir du 1er janvier 2020, date d’entrée en vigueur des nouveaux décrets d’application de la Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le quota de 6 % de travailleurs handicapés que doit respecter toute entreprise d’au moins 20 salariés ne pourra être atteint qu’à la faveur d’emplois directs – qui comprennent également les stages et intérim. Le texte prévoit aussi un référent handicap dans les entreprises d’au moins 250 salariés. Ceci afin d’atteindre réellement la barre des 6 %. Car, comme le reconnaissait Sophie Cluzel en janvier 2018, « 30 ans après la mise en place du quota, les entreprises peinent encore à atteindre 3,5 % »…