Si rien n’est fait, les services à la personne s’installeront à très court terme dans une récession inédite, par son ampleur et ses effets sur l’emploi. Un paradoxe pour un secteur dynamique et prometteur freiné en plein élan de création d’entreprises ou d’emploisi et par ailleurs poussé par de profondes évolutions sociodémographiques qui font structurellement augmenter les besoins d’environ 3% par an. Sans inversion de la tendance, les promesses non tenues du secteur se traduiront par un manque à gagner de 2 à 5 milliards d’euros pour les finances publiques et un retour massif au travail non déclaré d’ici 2016.
15 ans d’initiatives bénéfique
Depuis 15 ans, les services à la personne ont fait l’objet de plus d’une vingtaine de règlementations qui ont impulsé une forte dynamique. Ce marché connaît depuis 2005 une croissance moyenne annuelle de la valeur ajoutée de 8% par an avec une baisse du travail informel d’environ 25%. Ainsi, en 2011, 17% des ménages français ont bénéficié des services à la personne, soit 4,5 millions de ménages.
Si la puissante dynamique du secteur a été portée par une législation favorable, elle est également tirée par une forte demande due à de profondes évolutions sociodémographiques et des évolutions du marché du travail. Sa croissance potentielle est estimée à 3,3% /an d’ici 2020 sous l’effet cumulé du vieillissement de la population (+23% des plus de 65 ans entre 2005 et 2020), de l’augmentation du travail des femmes (+5% du taux d’emploi des femmes entre 2005 et 2020) et de la croissance du nombre de familles monoparentales.
La dynamique du secteur et le potentiel d’emplois sont régulièrement réaffirmés par différentes études avançant un gisement d’emplois de plus de 170 000 emplois d’ici 2016 et sans doute jusqu’à 800 000 emplois sur le long terme. Cependant, avec seulement 390 000 emplois créés depuis 2005, les gisements d’embauches restent surtout à l’état de potentiel. Cette persistance d’un gisement d’emplois non réalisé depuis plusieurs années entraîne un manque à gagner pour l’Etat de 2 à 5 milliards d’euros.
Récession et marché noir
Une tendance dégressive s’est installée insidieusement et immanquablement. Ses effets sont délétères pour le secteur des services aux particuliers. Depuis 2010, une série de mesures visant à maîtriser les dépenses de fonctionnement et stabiliser le budget de l’Etat – suppression de l’exonération de 15 points de charges patronales pour les particuliers employeurs, hausse de la TVA pour les entreprises, suppression du « forfait », etc. – ont pesé sur le développement du secteur et ont entraîné une hausse du coût des prestations pour les ménages employeurs de 10 % en moyenne jusqu’à présent et qui attendra environ 20% d’ici 2016.
Cette dégradation du cadre fiscal a entrainé une baisse de l’activité déclarée de 10% entre 2010 et 2012 et qui s’accélère actuellement. Résultante directe de cette hausse du coût, la baisse du recours aux prestations par les ménages révèle leur forte sensibilité au prix qui les poussent à basculer fortement vers le marché informel ou à renoncer partiellement aux prestations. Si rien n’est fait pour inverser cette tendance, il faut s’attendre dès 2016 à une augmentation d’au moins 15 % du travail au noir, soit un retour au taux 45 % que connaissait la France en 2005.
Ainsi, les 992 millions de cotisations supplémentaires escomptés par les pouvoirs publics grâce à ces réformes ne se réaliseront pas ou très faiblement. Etant donné la baisse prévisible d’environ 20% du volume horaire déclaré d’ici 2016, le gain hors coût du chômage créé par les mesures sera très faible. Les mesures prises généreront par ailleurs un nombre important de pertes d’emplois évalué à au moins 40 000 avec la seule mesure de suppression du forfaitii . L’Espagne qui a mené une politique similaire a enregistré en 2012 une baisse des cotisations de de 30% avec un manque à gagner pour la Sécurité Sociale de 63 millions d’euros.
Faciliter urgemment le rebond
Le secteur des services à la personne a plus que jamais besoin d’acteurs dynamiques pour se développer. A cette fin, il est nécessaire de mettre en place un cadre qui permette à ses acteurs de croître. Parmi les conditions prioritaires qui permettraient au secteur de rebondir figurent à nos yeux : une visibilité accrue donnée au secteur par une approche unifiée du cadre réglementaire et fiscal ; une stabilisation de l’environnement juridique, fiscal, concurrentiel ; le rétablissement du « forfait », l’harmonisation des conditions de concurrence entre les acteurs (entreprises, associations, coopératives, CCAS, etc.) ; enfin, des réponses apportées au secteur par l’adoption d’une approche transversale à toutes les catégories d’employeurs sans les opposer (transversalité des textes, des formations, des diplômes, consolidation des temps de travail, etc.).