Venir au monde en échappant à la contamination par le VIH devrait être le droit fondamental de tout nouveau-né. Pour réaliser cet objectif, la prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME) est l’un des axes stratégiques de la lutte contre le sida. Non traitées, les femmes enceintes séropositives présentent de 15% à 45% de risques de transmettre le virus à leur enfant pendant la grossesse, l’accouchement ou l’allaitement. Mais si ces mêmes femmes bénéficient précocement des médicaments antirétroviraux, ce risque tombe à 1%. C’est dire toute l’importance de la PTME. La Fondation Children of Africa, que j’ai l’honneur de présider, a bien saisi cet enjeu.
C’est pourquoi elle finance la construction d’un hôpital mère-enfant (HME) à Bingerville, en Côte d’Ivoire. J’ai pu constater par moi-même l’état d’avancement du chantier de l’hôpital, qui devrait ouvrir ses portes d’ici à la fin de l’année, en m’y rendant en janvier dernier. Alors que toutes les études démontrent qu’une mère vulnérable expose le ménage et les enfants à un risque de précarité sociale, le futur HME de Bingerville aura pour objectif d’améliorer l’offre de soins de santé pour le couple mère-enfant, et de contribuer à réduire la mortalité maternelle, néonatale, infantile et juvénile. J’ai personnellement choisi de m’engager dans ce combat, qui commence à porter ses fruits à travers le monde.
La PTME progresse à grand pas dans le monde
La PTME est l’affaire de tous. Il faut saluer, à ce titre, le travail de toutes les associations issues de la société civile, mais également les efforts entrepris par les Nations-Unies et l’Unicef pour soutenir les programmes PTME au sein de 80 pays depuis 1998. Il s’agit d’une approche globale, qui passe par la prévention primaire du VIH chez les femmes en âge de procréer, la prévention des grossesses non désirées chez les femmes séropositives, la prévention de la transmission du VIH de la mère au bébé et la fourniture de traitements et de soins aux femmes et à leur famille. Grâce à ces efforts combinés, la PTME gagne du terrain. Et, par conséquent, le sida recule.
La Thaïlande vient ainsi d’être distinguée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), comme étant le premier pays asiatique réussissant à mettre un terme à la transmission virale de la mère à l’enfant. Pour qu’un pays soit considéré indemne de transmission du VIH de la mère à l’enfant, le taux d’infection doit être inférieur à 2%. C’est l’exploit qu’a réussi la Thaïlande, qui est passée à un taux de 1,9% en 2015, et ce grâce à la politique volontariste mise en place par son gouvernement. Des tests gratuits sont désormais proposés à toutes les femmes enceintes, et les traitements fournis gratuitement à celles d’entre elles qui sont séropositives.
Déjà en 2015, Cuba avait été le premier pays au monde reconnu par l’OMS comme ayant éliminé la transmission mère-enfant du VIH. Et en 2016, l’Arménie, la Biélorussie et la République de Moldavie lui ont emboité le pas. A l’instar du docteur Margaret Chan, Directeur Général de l’OMS, je salue cette « éclatante réussite, signalant clairement aux autres pays qu’une élimination est possible et que le monde verra bientôt l’avènement d’une génération libérée du sida ».
Pour que cette génération voie le jour, il faut généraliser un accès universel et précoce à des services de soins prénataux, mais aussi le dépistage du VIH et d’autres maladies sexuellement transmissibles pour les femmes enceintes et leurs partenaires. Il faut également élargir l’accès aux traitements pour les femmes enceintes séropositives et pour leurs enfants, pouvoir établir des diagnostics précoces et impliquer les communautés locales.
Ces efforts conjugués paient : l’OMS estime ainsi qu’en 2015, 77% des femmes enceintes séropositives vivant dans un pays à faible revenu ont bénéficié d’antirétroviraux efficaces pour éviter la transmission du virus à leurs enfants. En Europe, 95% des femmes enceintes infectées par le VIH bénéficient d’une thérapie antirétrovirale. Si la PTME fonctionne dans ces régions, elle doit fonctionner aussi sur le continent africain.
L’Afrique doit prendre résolument la voie de la PTME
En raison de l’explosion démographique africaine, la proportion des jeunes de moins de 25 ans augmente et ce alors que l’incidence du VIH ne recule pas. En Afrique, le risque d’une augmentation des personnes séropositives parmi les jeunes de 15 à 24 ans est réel. Mais il n’est pas une fatalité. Des solutions existent. Il faut, par exemple, profiter des nouvelles technologies et de leur utilisation par les plus jeunes pour mieux cibler ces catégories de population. Le Kenya a ainsi lancé une expérimentation durant laquelle les personnes séropositives reçoivent des SMS interactifs leur rappelant de ne pas oublier leur traitement.
Toujours en Afrique, l’ONUSIDA vient de révéler qu’au Togo, le taux de couverture des interventions de la PTME est passé de 52,2% en 2010 à 80% en 2015. Autrement dit, le pays réduit efficacement les cas de transmission du virus de la mère à l’enfant. Enfin, les experts de l’ONUSIDA espèrent une fin de l’épidémie du VIH d’ici 2030. Il y a donc de l’espoir, pour l’Afrique et le reste du monde : la fin du sida est un défi à notre portée, pourvu que les bons gestes soient adoptés.
Tribune proposée par Dominique Nouvian-Ouattara, Première Dame de Côte d’Ivoire, Présidente de la Fondation Children of Africa