Il ne suffit évidemment pas que l’on produise assez de tonnes de nourriture sur Terre que tout le monde mange ! Une organisation qui permette de produire partout et de mettre à disposition de la nourriture dans chaque village est au moins aussi indispensable que la mise en œuvre de techniques de production.
Or nous avons vécu pendant plusieurs dizaines d’années avec le mythe du commerce international des produits agricoles.
Beaucoup de gens se sont convaincu qu’il fallait faire dans l’agriculture ce qu’on avait fait dans l’industrie : spécialiser des régions à fort potentiel dans certaines productions et faire circuler des centaines de millions de tonnes de produits périssables sur des milliers de kilomètres pour arriver à nourrir tout le monde… Escroquerie intellectuelle totale, quand on pense que les affamés habitent à 80 % à la campagne, que le transport coûte en général plus cher que la production et que les gens qui résident au fin fond du dernier village le plus inaccessible n’ont bien évidemment pas d’argent pour acheter la nourriture. Il faut repartir d’une constatation simple : les Africains doivent manger africain, les Asiatiques doivent manger asiatique et les Européens doivent manger européens (ce qui n’empêche pas de faire circuler quelques bouteilles de champagne, sacs de café ou de cacao ou quelques régimes de bananes bien entendu).
Or les différences de productivité actuelle dans l’agriculture font que nos céréales excédentaires (quand il y en a) arrivent dans les ports africains beaucoup moins cher qu’elles ne coûtent actuellement à produire dans l’agriculture africaine peu intensive ; elles ruinent donc les agriculteurs locaux qui ne peuvent plus vendre leur production, et les déplacent vers les grands bidonvilles des mégalopoles.
On peut observer que la modernisation de l’agriculture en Europe s’est produite pendant les « 30 glorieuses » où notre industrialisation a permis d’absorber les millions d’agriculteurs rejetés par la nouvelle agriculture. Le même phénomène est en train de se passer en Chine au prix du transfert dans ce pays et quelques autres de la quasi-totalité de l’industrie mondiale. On ne pourra pas refaire ce mouvement une troisième fois en Afrique. Il faut donc impérativement donner un emploi et une source de revenus sur place à des centaines de millions de petits agriculteurs qui de toute façon n’auront pas leur place en ville.
Il faut donc privilégier l’agriculture familiale partout où l’on peut, ce qui n’empêche pas bien entendu de la moderniser au maximum (de façon agro écologique). Il a été prouvé que la « petite agriculture familiale » modernisée devient nettement plus productive que les grandes exploitations, car quand on en a peu, chaque mètre carré est utilisé au maximum. Arrêtons donc de vendre une grande partie des surfaces agricoles des pays du Sud à des grandes entreprises pour produire intensivement, via de grandes exploitations,… pour le nord !
Pour mettre cette politique en œuvre, il convient de constituer des entités géopolitiques suffisamment fortes et diversifiées du point de vue climatique pour généraliser de par le monde ce qu’on a fait dans les trois plus grandes régions agricoles du monde : Amérique du Nord, Europe de l’Ouest et Chine : protéger les frontières et investir fortement dans l’agriculture, sauf que cette fois-ci dans l’agriculture agro écologique, peu consommatrice en capital et en produits chimiques.
Côté consommateurs, et notamment consommateurs urbains, l’exemple à suivre et bien évidemment celui de la politique « faim zéro » du président Lula au Brésil : soutenir les revenus de la population la plus vulnérable de façon spécialement dirigée sur l’alimentation. Ceci contribue efficacement à recréer des marchés locaux qui permettent aux agriculteurs de vendre leur production à leurs voisins qui ont les moyens de l’acheter. C’est le bon vieux système des allocations familiales, adapté aux enjeux de l’époque.
La faim est d’abord une question politique, et la « faim zéro » encore plus !
Pour commencer, sauver des vies avant qu’il ne soit trop tard
Il est quand même à la fois scandaleux et totalement inacceptable qu’aujourd’hui il y ait encore des milliers de personnes qui meurent de faim tous les jours, et en particulier des enfants. 45 % de la mortalité infantile sur terre est due à la malnutrition, soit 3 millions d’enfants chaque année ! Nous avons les techniques qui permettent d’intervenir en urgence pour éviter le pire. Mais elles ne sont appliquées qu’au mieux à 10 % de cette population cible. Comment pouvons-nous rester indifférents à cette situation ? Il faut absolument donner les moyens à ceux qui savent traiter ce problème de re-nutrition de le faire, partout où il le faut sur la planète. C’est finalement tout petit investissement extrêmement rentable si l’on songe que, comme nous le rappelle par exemple l’ONG Action contre la faim, un enfant atteint de malnutrition a neuf fois plus de risques de mourir qu’un enfant qui mange à sa faim, la malnutrition, quand elle ne tue pas, fait perdre 13,5 points de quotient intellectuel, puis tout au long de sa vie 20 % de revenus et au total 2 à 3 % de produit intérieur brut à l’échelon mondial, et à l’inverse provoque insécurité, guerres, pirates, extrémismes de tous bords, terrorisme, etc. On a besoin d’à peine 10 milliards de dollars pour sauver ces vies, et chaque dollar investi de la sorte en rapporte au moins 30 $… Quand est-ce qu’on commence vraiment ?