Plébiscités par les Français, en particulier les plus jeunes, les sites de streaming et de téléchargement illégaux ne sont pas sans risques : les publicités agressives pour les jeux d’argent et les sites pornographies y abondent. Et ces dernières représentent une porte d’entrée vers l’addiction et d’autres comportements déviants pour des enfants et adolescents en pleine construction psychologique. Une réalité que n’a de cesse de dénoncer l’association Ennocence présidée par Gordon Choisel.
La dépendance aux jeux d’argent en ligne existe bel et bien. Selon la seule enquête menée sur le sujet en France — celle-ci a été réalisée en 2010 par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) —, près de la moitié des adultes (48 % des 18-75 ans) ont joué au moins une fois à un ou plusieurs jeux de hasard et d’argent. Pour certains d’entre eux, c’est bien plus qu’une simple habitude. L’OFDT et l’INPES estiment ainsi à 400 000 (0,9 % de la population) le nombre de joueurs à risque modéré et à 200 000 (0,4 % de la population) celui de joueurs excessifs.
Mais ce n’est pas tout. Contrairement à une idée très répandue, le problème ne concerne pas exclusivement les adultes. D’après les recherches menées par trois psychiatres et addictologues français, dont les résultats ont été publiés en 2015, les problèmes d’addiction aux jeux d’argent sont deux à quatre fois plus fréquents chez l’adolescent que chez l’adulte. Selon les experts, « entre 4 et 8 % des adolescents souffriraient d’un problème de jeu d’argent », les comportements pathologiques commençant « précocement autour de 10-12 ans, avec un passage rapide du statut de joueur occasionnel à celui de joueur problématique puis joueur dépendant ».
Un problème qui s’aggrave
Les spécialistes précisent que « l’adolescence correspond à une période de vulnérabilité au jeu pathologique, les jeunes étant particulièrement sensibles à la publicité et au marketing des sites de paris en ligne ».
Si les pouvoirs publics commencent à se mobiliser sur la question, les mesures prises ne sont pas encore à la hauteur du défi. Pourtant, en 2013 déjà, dans un rapport remis au gouvernement, l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) proposait « une limitation du volume de la publicité des opérateurs de jeux au moment des retransmissions sportives en la cantonnant à un sport publicitaire par opérateur ». Consciente des risques liés à l’ouverture du marché des jeux en ligne en 2010, l’Arjel proposait une série de recommandations articulées en quatre axes : amélioration des dispositifs d’information et de sensibilisation des joueurs et du public; renforcement et adaptation des mécanismes de régulation; détection, accompagnement et traitement des joueurs problématiques; mesure de l’importance et des évolutions de la pathologie en France et de l’efficacité des dispositifs de prévention.
Cinq ans après l’élaboration de ce rapport, le problème semble pourtant s’aggraver, en particulier en raison de la montée en puissance des sites de streaming ou de téléchargement illégaux. Particulièrement plébiscités par les jeunes, ces sites se financent grâce à l’affichage intempestif de publicités agressives (pornographie, sites de rencontre, voyance, jeux d’argent…).
Le danger de la pornographie
L’exposition à des images pornographiques constitue ainsi l’autre grand danger pour les mineurs qui se rendent sur les sites de streaming illégaux. Selon un sondage OpinionWay pour Ennocence, 14 % des enfants de moins de 10 ans ont déjà été exposés à des images pornographiques sur ces plateformes.
Or, selon l’association Ennocence, qui se bat pour la protection des jeunes internautes, l’exposition à ce type de contenus peut avoir des conséquences « néfastes » sur les enfants. « Le problème des publicités intempestives, c’est qu’elles sont faites pour saturer l’écran de l’utilisateur. Ce sont des stratégies marketing faites pour donner de la visibilité à des produits ou des pratiques qui ne sont habituellement pas commercialisés. Les adultes sont habitués à fermer rapidement les pop-ups, alors que les enfants n’en ont pas forcément l’habitude. Ils peuvent être choqués par ces pubs brutales et souvent obscènes », alerte Gordon Choisel, président de l’association.
Ainsi, comme pour les jeux d’argent, le danger est réel. Selon le programme européen Safer Internet, « la confrontation des jeunes enfants à des images pornographiques peut avoir pour effet de créer de véritables peurs ou angoisses, en particulier chez les plus petits ».
« Comme il est impensable d’afficher dans nos rues et librement de la pornographie et des images violentes, il est grand temps de considérer le Web comme l’Agora qu’il est. Un espace public à encadrer pour protéger nos concitoyens, jeunes ou moins jeunes », estime pour sa part Brigitte Lahaie. Malheureusement, les pouvoirs publics ne semblent pas encore avoir pris la pleine mesure de l’enjeu…