Le contexte économique actuel a largement aggravé la détérioration des conditions de travail en entreprise. Depuis quelques années, la recrudescence des suicides d'employés choque l'opinion publique. Une étude du CESE pointe du doigt l'amplification du stress au travail et en fait (enfin) un enjeu majeur de santé publique.
Le Conseil économique et social (CESE) officialise dans son rapport une vérité palpable pour tous les Français depuis longtemps : « le contexte économique n'a fait qu'amplifier les risques psychosociaux ». Et les mesures prises afin de soulager les employés sont loin d'être suffisantes.
Ces risques psycho-sociaux, ou RPS, se traduisent par du stress chronique, ou encore du harcèlement moral et sexuel, des agressions et violences externes, l'épuisement professionnel, et pire, le suicide au travail. On se souvient notamment de l'affaire macabre des suicides d'employés de France Télécom poussés à quitter l'entreprise « par la porte ou par la fenêtre ». Qu'a-t-il été fait pour y remédier ?
En 2008, l'accord national interprofessionnel avait pour but de créer de nouveaux droits pour les salariés afin de sécuriser les parcours professionnels. Puis en 2009, le plan d'urgence pour la prévention du stress au travail a obligé les entreprises de plus de 1000 salariés à ouvrir des négociations sur le stress. Le CESE dénonce le manque d'efficacité de ces mesures, insuffisantes en elles-mêmes.
En effet, un sondage Ifop en 2010 révélait que 62 % des salariés ressentent un niveau de stress élevé et trois personnes sur dix estiment que leur travail est susceptible de leur causer de graves problèmes psychologiques.
Mais, sait-on jamais, histoire de continuer de mener enquête sur enquête avant d'agir, le CESE souhaite que les risques psychosociaux soient mieux mesurés. L'Insee s'est d’ors et déjà mis au travail. Il est regrettablement nécessaire que le fléau de la souffrance au travail doive être l'objet de données statistiques pour être reconnue. En soi, c'est un mieux. Néanmoins, le fossé entre le fond et la forme demeure ; celui entre dénoncer et changer les choses aussi.
Le CESE souligne que « les entreprises vont souvent trop vite dans leurs décisions de changement et leur mise en œuvre. Parfois il suffirait de mieux s'interroger en amont sur les conséquences pour les salariés pour éviter par la suite bon nombre de problèmes à régler ». Pour cela, le conseil économique et social souhaite la mise en place obligatoire d'une étude d'impact sur le plan organisationnel et humain de chaque restructuration ou réorganisation.
Le fait est que les entreprises ont rarement le personnel qualifié pour mener ce type d'études, sans parler du fait qu'aujourd'hui, cela n'est pas ce qui passe en priorité. Or, en France, « l'impact des troubles psychosociaux sur notre compétitivité économique est encore largement sous-estimé » comme le souligne le CESE.
Aux Etats-Unis, une étude a déjà prouvé que cet impact s'élève à 300 milliards de dollars par an, entre les problèmes d'absentéisme et les turn-over. En Europe, on avoisinerait les 200 milliards d'euros. Des chiffres qui pourraient forcer la motivation des entreprises.
Faire de la gestion humaine des ressources plutôt que de la gestion des ressources humaines : une idée à creuser.