Que se passerait-il si on cherchait un plus grand nombre de substances dans le sang ? Si, par exemple, au lieu d’en chercher 100, comme l’a fait le WWF, on en cherchait… trois fois plus ? C’est ce que le journaliste américain David Edwing Duncan a décidé de faire pour le compte de la revue National Geographic.
Dans le numéro de janvier 2007, il y raconte comment, pour recenser les substances chimiques accumulées par un Américain moyen au cours d’une vie et d’en établir la provenance, il s’est prêté au jeu du « journaliste-cobaye ». Il s’est soumis à une impressionnante batterie d’analyses de sang et d’urine afin de détecter les traces de produits chimiques industriels, de métaux dangereux et autres polluants accumulés au cours de sa vie et qu’il aurait potentiellement absorbés par le biais de la nourriture, la boisson, l’air respiré et tout ce qui a été en contact avec sa peau (pommades, cosmétiques…), soit au total 320 substances : produits anciens, comme le DDT, les PCB, le plomb, le mercure, les dioxines…, et plus récents : pesticides, matières plastiques, composés de la vie moderne qui font que les shampoings sentent la rose et que les vêtements résistent aussi bien à l’eau qu’aux flammes.
Coût de ces analyses généralement réalisées par des laboratoires possédant une expertise technique rare : 15 000 dollars. En tout 165 composés ont été détectés chez David Duncan, dont 97 PCB sur 209, 25 PBDE sur 40, 16 pesticides sur les 28 testés, 10 dioxines sur 10, 7 phtalates sur 7, 7 PFC sur 13, 3 métaux lourds sur 4. Son profil chimique n’offre cependant rien que de très normal : la plupart de ses taux ne dépassent pas les moyennes nordaméricaines… hormis pour les PBDE, des retardateurs de flamme présents dans les mousses et plastiques ainsi que dans les appareils électroniques.
Les avions sont-ils toxiques?
David Duncan a interrogé le chercheur suédois Åke Bergman sur l’origine des taux élevés de PBDE présents dans son sang. Celui-ci lui pose quelques questions : aurait-il acheté de nouveaux meubles ou un tapis récemment ? Passerait-il beaucoup de temps à proximité d’ordinateurs ? Vit-il près d’une usine de fabrication de ces produits ? Ayant répondu négativement à toutes ces questions, l’interrogatoire porte alors sur les modes de déplacement. Duncan avoue parcourir en avion plus de 300 000 km par an. Le chercheur l’informe alors qu’il s’interroge depuis longtemps sur les risques d’exposition aux PBDE à l’intérieur des avions, où l’habillage en plastique et en tissu est imbibé de retardateurs de flammes. Bergman espère d’ailleurs pouvoir soumettre les pilotes et le personnel de bord à des analyses.
C’est donc ça ! Si David Duncan, mais aussi notre députée européenne verte ont de tels taux de PBDE dans le sang, c’est probablement à cause de leurs vols fréquents ! Je me pose moi-même la question de cette exposition car je me trouve exactement dans le même cas que David Duncan et mon relevé annuel de miles chez Air France affiche plus de 300 000 au compteur ! J’ai posé plusieurs fois la question de cette imprégnation éventuelle à des médecins du travail ayant en charge des personnels navigants. Ils m’ont toujours répondu que les analyses sanguines ne montraient pas de surexposition. Je reste sceptique, car je n’ai jamais vu de publications à ce sujet. Je le suis d’autant plus que je suis échaudé par la manière dont la médecine du travail a traité à l’époque mon problème d’exposition aux PCB. Les personnels navigants ont-ils été informés de ces risques ? Ont-ils eu communication d’études d’imprégnation spécifiques ? Je reste en attente d’informations complémentaires.
Extrait de "Sang pour sang toxique" par Jean-François Narbonne