Depuis près d’un an, le Groupe Pasteur mutualité (GPM) et la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH) négocient leur rapprochement dans le but de créer une union mutualiste de groupe (UMG) : Viverem. Cependant, alors que leur mariage semblait scellé depuis juillet dernier, les mutuelles se séparent aujourd’hui et les négociations pourraient se terminer au tribunal.
La plupart des grandes mutuelles se sont dernièrement engagées dans des processus de regroupement afin de renforcer leur poids économique et répondre à une plus grande diversité d’attentes du marché par le biais d’un développement transversal. C’est dans cette optique que le Groupe Pasteur Mutualité (GPM) et la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH) annonçaient le 4 juillet 2015 la création d’une union mutualiste de groupe (UMG) : Viverem. Un rapprochement qui « trouve son origine sur la complémentarité naturelle et l’ancrage historique fort des deux groupes dans le domaine de la santé et du social », déclaraient alors d’une même voix les deux entités créatrices.
Ce rapprochement s’inscrivait ainsi dans la droite lignée de la stratégie engagée depuis deux ans par MNH, présente essentiellement dans la fonction publique hospitalière, et de GPM, active auprès des professionnels de santé libéraux, qui avaient conjointement créé la société de courtage Orsane. Par ce mariage, les deux acteurs revendiquaient un chiffre d'affaires cumulé de près de 800 millions d’euros en assurance de personnes pour 1,2 million de personnes protégées, soit 620 millions d’euros pour MNH et 148 millions d’euros pour GPM. Ainsi, ils s’imposaient comme le numéro un de la protection professionnelle, et ambitionnaient de devenir l’un des principaux protagonistes du monde de la santé sociale en l’espace de cinq ans.
Moins d’un an après, le rêve a pris du plomb dans l’aile : le conseil d’administration de l’UMG aurait voté l’exclusion du directeur général de GPM, Thierry Lorente. Il serait même question de suites judiciaires lancées par ce dernier afin de procéder à la dissolution de l’UMG. Si les deux parties ont pour l’instant gardé le silence sur les raisons de ce schisme, un certain nombre de points contentieux ont fuité dans la presse, laissant imaginer les raisons de la discorde. D’aucuns ont parlé de problèmes d’organisation, mais les sources proches du dossier semblent d’avantage pencher vers des « questions de personnes » qui ont constitué l’obstacle majeur à cette union dont les deux parties bénéficiaient pourtant. S’il apparait que MNH veut solder les comptes à l'amiable, cet avis n’est visiblement pas partagé par son ancien partenaire. Et force est de constater que ça n’est pas la première fois qu'un projet de rapprochement de GPM menace de finir en contentieux.
Le groupe connait des relations conflictuelles avec plusieurs acteurs de son secteur : autorité de contrôle prudentiel et de résolution, prestataires de réassurance, sociétés d’assurance dans lesquelles le groupe a pris une participation, les exemples sont nombreux.
Parmi eux, on trouve le cas du courtier parisien d’assurance ASSOR, pour lequel la mésentente s’est transformée en véritable guerre par presse interposée. Ce dernier reproche au Groupe Pasteur Mutualité de l'avoir acculé à la faillite. Fait repris par l’Argus de l’Assurance en 2013 révélant qu’ASSOR aurait en effet demandé la protection du Tribunal de Commerce de Paris, mettant en cause ses créanciers et notamment GPM, accusé d’avoir « brutalement » rompu l’accord de partenariat qui les liait.
L’accusation a été récusée par Thierry Lorente, à la tête de GPM depuis décembre 2012 : « En 2013, nous avons apuré tous les sinistres de l’année 2012, et continué à garantir quelques centaines de contrats que nous avons repris par application de la loi Evin. En tout état de cause, nous n’avions pas l’intention après résiliation, de reprendre le portefeuille d’Assor, qui ne correspond pas à notre stratégie, tournée vers les professionnels de santé ». En octobre, ce dernier avait pris la décision de résilier un portefeuille (comptant 30 000 contrats selon Assor, et 20 000 adhérents selon GPM) et le contrat qui accompagnait l’acquisition d’Assor. Aujourd’hui, tous les observateurs s’accordent pour dire qu’il s’agissait d’une opération très néfaste pour toutes les parties prenantes tant d’un point de vue financier que pour leur image.
Assor avait alors souligné que les différends avec tous ses autres créanciers avaient été entre temps aplanis. Un fait qui va dans le sens des rumeurs accusant la direction de GPM d’un goût prononcé pour le recours au juge plutôt que l’entente à l’amiable. Cette gestion du contentieux a été critiquée par la Lettre de l’Assurance, qui attribue l’un de ses « Flops 2013 » au tandem composé de Bruno Gaudeau, président de GPM, et Thierry Lorente : « L’ACPR s’est inquiété des méthodes de gouvernance de ce groupe et plusieurs dirigeants de compagnies qui collaboraient avec ASSOR n’ont guère apprécié la façon dont GPM a brutalement asphyxié l’ancien courtier grossiste ».
Pour l’heure, MNH et GPM peuvent encore trouver un point d’accord, mais rien ne dit que le dialogue va reprendre et Viverem pourrait bien ne jamais souffler sa première bougie d’anniversaire.